Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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4:30 (Quatre heures trente)


Singapour / 2006

26.07.2006
 








BREVE RENCONTRE

"- Je ne rêve pas."

Il existe un moment, dans nos rapports avec les autres, où quelle soit la distance qui nous sépare d'eux, on sent que l'on ne pourra jamais s'approcher plus. Ils apparaissent alors dans toute leur altérité, brandissant comme un étendard la splendeur de cette conscience qui est la leur, et qui nous est refusée. Il existe un autre sentiment, tout aussi ténu, qui fait prendre conscience à chaque homme que quoi qu'il fasse, il est seul. Souvent, les deux sont liés. Chez Royston Tan, ils sont indissociables, l'un découlant inévitablement de l'autre, et livrant une vision mélancolique et désenchantée du monde. Tout au long du film, ses deux personnages tentent pourtant de briser cette incommensurable distance qui isole les êtres, chacun luttant avec ses propres armes.

L'homme cherche à fuir cette condition, usant de tous les moyens d'évasion à sa disposition, de l'alcool au suicide. Il est à bout, usé, sans illusion. Le garçon, lui, essaie patiemment, envers et contre tout, de construire des liens. Comme il est très jeune, cela passe par des farces, des enfantillages, voire des provocations. Il urine dans l'eau du bain de son collocataire, éteint la musique qui rythme les séances de Gi Qong matinales, s'endort en classe. Livré à lui-même dans une société relativement rigide, il ne cède sur rien, et certainement pas devant l'autorité. Quand on lui demande d'illustrer l'un de ses rêves par un dessin, il peint la feuille en noir. "Je ne rêve pas", donne-t-il comme explication. Plus tard, lorsque le professeur tente de lui confisquer un livre, il préfère s'enfuir plutôt que capituler. Royston Tan introduit par le biais de ces scènes un ton burlesque et léger qui permet au film de n'être ni un récit catastrophiste, ni un pensum ennuyeux. Cette éclatante fantaisie contrebalance au contraire l'austérité formelle apparente qui mêle longs plans presque immobiles, absence de dialogue et intrigue distendue.

Par ailleurs, en épousant le seul point de vue du jeune garçon, le film se teinte d'une indéniable subjectivité. Comment démêler le vrai du faux, le fantasme de la réalité, la reconstruction imaginaire du souvenir réel ? Plus on avance dans le récit, plus ses contours semblent flous et incertains. A chacun d'imaginer, à partir de ce canevas, la trame qui lui convienne : relation père-fils, amitié fugace, projection onirique… L'essentiel n'est pas là. Ce qui reste en fin de compte, c'est l'atmosphère à la fois désolée et sensible qui envahit le film peu à peu, la manière dont la relation se tisse entre les deux personnages. Toute communication verbale étant rompue, les seules émotions possibles passent par des gestes infimes, des regards, des attentions.

Royston Tan démontre par la subtilité même de sa mise en scène que les sentiments sont plus universels que les mots, et qu'à ce titre ils traversent l'écran avec une intensité accrue. C'est pourquoi 4:30 est si bouleversant. Les non-dits et le langage des corps y remplacent avantageusement les démonstrations bruyantes, laissant le spectateur s'appuyer sur son propre vécu pour appréhender le ressenti des personnages. Aimer le film devient alors une démarche personnelle, éminemment liée à ce qu'il évoque pour chacun d'entre nous : le spectre de l'inéluctable solitude ou au contraire l'espoir de finir par se rejoindre, un jour.
 
MpM

 
 
 
 

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