Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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La Méthode (El Método)


Espagne / 2005

20.09.06
 



VOUS ETES LE MAILLON FAIBLE...>






«- S’il faut que je sois un loup, je le serais. »


Sept personnes enfermées dans une pièce faisant tout pour arriver en final, cela vous rappelle-t-il quelque chose ? Certainement. Mais cette fois-ci rien à voir avec Le Loft ou encore la survie des prisonniers du Cube. En jouant à l’apprenti laborantin, le réalisateur argentin Marcelo Pineyro a voulu montrer à quel point l’homme peut être un loup pour l’homme. La survie dans un monde libéral est à ce prix : nous devenons cruels, cyniques, menteurs, manipulateurs. A huis-clos, théâtralement et sans artifice, il décortique, dissèque et exhibe les comportements de ses congénères sous leur plus mauvais jour. Le bruit et la fureur sont dans la rue, mais l'horreur et l'envie sont au 35e étage. L'habit ne faisant pas le moine, on peut changer de chemises, personne ne verra la différence. Il faut être lisse, consensuel, conformiste. Les apparences de la perfection ne sont qu'illusions. La maîtrise des émotions nous emmènent plus proche du précipice de nos failles. Il y a notre image, notre reflet, notre interprétation. Et au final la carpe se mue en requin lorsqu'il n'y a qu'un asticot à bouffer dans cet aquarium perché au dessus de la ville. Sentiment (leurre) de domination du monde. Ecrasement des sentiments, de la personnalités,e touffement de la différence. Asphixie de nos valeurs (ajoutées).
Avez-vous déjà subi la « Méthode Grönholm » lors d’un entretien d’embauche ? Méthode de pression psychologique encourageant subtilement à repousser no vers la déshumanisation complète, dépassant parfois le cadre de la morale. Regarder sept rats de laboratoire déguisés en cadres supérieurs (se sentant supérieurs) et discutant curriculum vitae, profits dégagés et rentabilité n’avait rien de palpitant pour un film. A priori. Voyons les choses autrement : un suspens façon 10 petits nègres, un voyeurisme hitchockien et une séquestration angoissante, La méthode se métamorphose en thriller on ne peut plus cinégénique.
Le concept risquait de rapidement tourné en rond. Heureusement le scénario serre à chaque séquence un peu plus la vis vers un vice suprême, jouissif, amoral, dégueulasse. De quoi bien nous écoeurer de ce système. Moraliste mais pas romantique, le film penche pour le machiavélisme insidieux et le masochisme assumé. Munis de dialogues tranchants et acides, de réparties assassines et plus que bien senties, les personnages – comme autant de caricatures de jeux de société (Cluedo) – se révèlent complexes et sont tour à tour prédateurs chasseurs puis prétendants chassés. Les vérités fusent sans faux-semblant et frappent là où ça fait mal et plus l'histoire progresse, plus nous appriochons de l'élu, plus les coups de griffes sont profonds. La partie de ballon finale entamée par les trois derniers candidats en lisse paraît presque jouissive. Fausse ludicité et vraie pugnacité. Jeu de lois terribles, celle de la jungle.
Propice à la paranoïa, le spectateur est très vite intrigué, malgré quelques baisses de rythmes, cherchant à savoir qui va être éliminer (façon Reality Show) ou pire comment il va être misà terre (ou s'en sortir). Il est à noter que certains acteurs tels que Eduard Fernàndez et Pablo Echarri sortent véritablement du lot et livrent une performance brillante. Le premier incarne un macho arrogant, qui pense que rien ne lui résiste. Le second est plus que troublant ; tantôt victime tantôt meneur, on ne sait plus trop à quel saint le vouer. Son credo pourrait être : diviser pour mieux régner. Jusqu’au bout, il laissera un goût amer d’obscurité au service de l’intrigue.
Derrière ce microcosme d’entreprise ce cache une radiographie précise d’une société sans idées propres qui navigue entre tensions et paradoxes, où les protestations restent stériles et dans laquelle les gens ont oublié les choses élémentaires menant au bonheur. Cette métaphore invite à la réflexion sur les relations au pouvoir, le manque de scrupules et l’irrespect face à l’expérience qui envahissent le monde de l’entreprise actuellement. Dénonciation, diffamation, trahison, stratégies, dissimulation (et même sexe) sont au menu de ce pacte avec le diable qui s'habille en Zara. Même les sentiments les plus louables tels que l’amour ne sont pas épargnés. Une méthode qui conduit à la destruction de l’individu, une image parfaitement représentée dans le dernier plan : le candidat finaliste perdant au milieu d’une rue dévastée par la manifestation.
Les prises de vue classiques (où gros plans façon portrait renforcent l’impression de claustrophobie et où les split screens du générique introduisent la notion de lutte, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du building) sont au service d’un script d’une précision chirurgicale. Certaines scènes paraissent avoir besoin d’éclaircissement ou semblent tout simplement inutiles au déroulement de l’intrigue. Plus serré, le film aurait viré au bijou.
 
Marie, Vincy

 
 
 
 

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