Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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World Trade Center


USA / 2006

20.09.2006
 



DEGRE ZERO





«- Il va falloir une grosse armée pour venger tout ça!»

Le début du film installe un climat oppressant, avec une efficacité toute hollywoodienne. Les éclairs de violence, suite aux deux explosions des tours, sont saisissants. Au pied d'une tour, un homme au costume maculé de sang cherche à comprendre, hagard. Cette déperdition qui conduit à la perdition aurait pu nous éblouir. Mais Oliver Stone choisit de se concentrer sur le sort des policiers, et c’est là que ça se gâte.
Les héros, campés par Nicolas Cage (pâle) et Michael Pena (caricatural), restent coincés dans les décombres du World Trade Center pendant toute la durée (interminable) du film. Le récit se construit alors sur un va-et-vient mécanique entre la condition oppressante des deux policiers et l’inquiétude de leurs épouses. Larmes, énervement, panique, ... Toute la gamme des sentiments habituellement réservés aux femmes des «héros» est ici paresseusement récitée. Répétitions (prénoms), absence de dramaturgie, catharsis artificielle étireront notre ennui.
Physiquement séparés, les époux se rejoignent à l’écran - miracle du cinéma - dans les souvenirs. Scènes idylliques père-enfant, père-mère, mais aussi regrets et culpabilité sur fond de musique ultra-dramatisante. Culpabilité freudienne et sirop hollywoodien dans une même soupe étrangement apolitique. Lecture très chrétienne de la souffrance : leur calvaire est aussi un chemin vers la rédemption. Mais si le mélo n’est pas le genre de prédilection de Stone, le discours religieux non plus. N’est pas Martin Scorsese qui veut. Alors que Jimeno, bon chrétien Latino, tombe dans le coma, le réalisateur américain ose quand même, pour illustrer ce contact avec la mort, une apparition de Jésus en personne! Et avec un verre d’eau pour étancher la soif du malheureux, s’il vous plait... Grand moment de comique involontaire, parmi d’autres, comme la scène pathétique de retrouvailles entre Jimeno et sa femme (Maggie Gillenhaal aussi irritante que Maria Bello). Alors que ce dernier souffre d’une grave hémorragie interne, les deux tourtereaux se chamaillent au sujet du prénom de leur future fille : «- Chéri, on l’appellera Allyssa comme tu le voulais - Non, Olivia c’est mieux. - Non je t’assure, on garde Allyssa! - Mais tu préfères Olivia...», etc... Ce dialogue se réplique plusieurs fois tout au long du film.
Pompier, le style de Stone l’a toujours été, de Platoon à L’Enfer de dimanche. Exaltation de la camaraderie virile, de l’ordre et du courage, ton moralisateur, clichés à tous les étages. C’est moins gênant lorsqu’il filme une équipe de footballeurs américains. Ici, il est quand même question de l’évènement politique majeur des années 2000. Le spectateur médusé a droit à une lecture unilatérale, grossière et pro-Bush du 11 septembre. Surprenant de la part de ce vétéran du Vietnam, en révolte perpétuelle contre son pays, celui-là même qui déclarait peu après la chute des Twin Towers que cette attaque contre l’Amérique était une « rébellion contre les six grands groupes médiatiques qui dirigent le monde». Les dialogues du film sont pourtant éloquents : «Il va falloir une grosse armée pour venger tout ça» déclare un Marines évangéliste exalté, en scrutant le paysage dévasté de Ground Zero. Un autre personnage, pompier empâté et bougon, ne cesse de répéter : «ces salauds, ces salauds». Le tout entrecoupé de discours prononcés par un George W.Bush paternaliste et va-t-en guerre. Sans aucun recul critique, car Oliver Stone a choisi de caresser le public Américain dans le sens du poil, en adoptant le point de vue des familles. Que voit-on dans le film? Le malheur de pures victimes, malheur qui les soude, malgré leurs différences, encore un peu plus dans la foi chrétienne. Que faut-il en déduire? Le peuple Américain a été sauvagement attaqué, il doit donc se venger. Bien sûr, la pilule a du mal à passer.
Besoin pour les Americains d’expier ce traumatisme récent peut-être? Mais ce n’est pas le rôle du cinéma. Le film Vol 93 de Paul Greengrass tentait, sur le même sujet, une approche plus audacieuse (le point de vue des passagers), anti-hollywoodienne, dans une veine quasi documentaire. Le dernier Spielberg, La Guerre des mondes, traitait, métaphoriquement du moins, de la menace terroriste avec acuité et intelligence. Stone choisit pour sa part la voie de la facilité, en mélangeant volonté de réalisme (extraits d’images télévisées de personnes se jetant du haut des tours, discours de Bush) et gros effets spectaculaires, accumulant poncifs et maladresses. Sentimentalisme larmoyant et images grossières. Nous voici manipulés, otages du discours simpliste véhiculé par le réalisateur. Dommage, car au vu de la première demi-heure, plutôt sobre et efficace, on espérait un film plus digne, moins ballot et démago que ce tract neo-conservateur indigeste.
La fin est carrméent abjecte mélangeant les vrais pompiers survivants avec les comédiens simulant les séquelles. Confusion des genres et des gens qui montrent bien que Stone n'avait pas toute sa lucidité sur le sujet.
 
Eric

 
 
 
 

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