Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Borat (Borat, cultural learnings of America for make benefit glorious nation of Kazakhstan)


USA / 2006

15.11.2006
 



VIVE LE BORAT LIBRE !





"Cet homme qui a voulu me mettre un poing en plastique dans l'anus est un homosexuel ?"

Ces derniers temps, la jeunesse américaine se passionne pour les aventures d'un héros qui n'a pas grand chose à voir avec les modèles du genre. Borat Sagdiyev, journaliste kazakh, est plutôt mal équipé pour sauver le monde et, pire, semble ne pas en avoir la moindre envie. Son truc, à lui, c'est d'aider "glorieuse nation Kazakhstan" à briller au firmament des nations. Peut-être aurait-il été plus simple de sauver le monde… mais à chacun sa croix, et Borat s'embarque donc pour les Etats-Unis afin de prendre une édifiante leçon culturelle… et plus si affinités.

Mais avant cela, le vaillant reporter nous présente son petit village natal Kuczek (masures délabrées au milieu de la boue, voitures tirées par des animaux de trait, bétail dans les chambres à coucher…) ainsi que les (charmants) autochtones qui le constituent. Il y a le violeur, le voisin acâriâtre, la sœur de Borat (4e meilleure prostituée du pays), la mère de Borat (la femme la plus vieille du village : 43 ans), et ainsi de suite. Indéniablement, c'est le meilleur moment du film, un vrai festival Borat, d'une virtuosité et d'une ironie telles qu'elles font passer la suite pour une baisse de régime. La dernière partie du film, surtout, manque singulièrement de tonus. Mais avec ses tombereaux de clichés délirants, d'horreurs prononcées avec la plus parfaite candeur et de blagues de mauvais goût à se rouler par terre, cette introduction trépidante insuffle suffisamment de rythme à l'ensemble pour tenir jusqu'au bout du périple. Grreat successss !!!

La violente caricature de la malheureuse république kazakhe, elle, serait presque criminelle, si elle n'était pas avant tout une parodie cruelle (et accessoirement hilarante) de la manière dont les Américains perçoivent le reste du monde, et principalement les contrées lointaines. Et il faut croire que Sacha Baron Cohen en connaît un rayon sur les méconnaissances géographiques et culturelles de ses compatriotes d'adoption, puisque le prétendu journaliste parvient à mystifier ses interlocuteurs américains, tous persuadés d'avoir à faire à un vrai Kazakh et justifiant ses impairs par l'insondable fossé culturel entre les deux nations. Comme s'il y avait l'eau courante ou l'égalité hommes/femmes au Kazakhstan !

Expression d'humour noir salvateur ou mauvais goût ?

Ce tournage dans les conditions du documentaire (la majorité du film aurait été tournée en une seule prise, Sacha Baron Cohen réagissant spontanément aux réactions de ses victimes involontaires) ajoute à chaque scène un sentiment d'urgence qui apporte un enjeu supplémentaire aux frasques du trublion. Qu'il se précipite sur les passants pour les saluer "à la kazakh" (c'est à dire en les embrassant sur les deux joues) ou qu'il brise tout dans un magasin d'antiquités, on s'inquiète un peu pour sa vie. Le pire est quand le film bascule dans sa partie militante, celle où Borat provoque tout azimuts par des propos racistes, sexistes ou anti-patriotiques. Ainsi il échappe de peu à un lynchage lorsqu'il entonne l'hymne national kazakh sur l'air de l'hymne américain lors d'un rodéo à Salem (Virginie), tandis que la bonne société de l'Alabama qui l'invite à dîner perd ses bonnes manières au fur et à mesure du repas.

Mais rien de vraiment méchant n'arrive à Borat puisqu'au lieu de s'offusquer, nombre de ses interlocuteurs rebondissent sur ses propos. Un armurier, à qui il demande quelle est la meilleure arme pour se protéger d'un juif, lui donne sans sourciller le nom du calibre qu'il juge idéal pour une telle tâche. Même chose lorsque l'éminent reporter s'enquiert des risques encourus par sa voiture s'il écrase des gitans… La palme revenant, toutes catégories confondues, au vieux cow boy de Virginie qui lui conseille de raser sa moustache pour ne pas ressembler à un terroriste et semble par ailleurs très intéressé par l'idée de pendre haut et court les homosexuels.

A ce stade du film, le débat fait déjà rage parmi les spectateurs bien pensants : encourager ces propos et les distiller tout au long du film est-il une simple expression d'humour noir salvateur ou tient-il plus d'un mauvais goût aux multiples risques de dérive ? Si la question est légitime, cantonner Borat à ce seul périmètre est affreusement réducteur. Car afficher ostensiblement cette obsession de l'antisémitisme et des manifestations violentes d'intolérance en général est une manière transparente de crever l'abcès. Placer ces propos dans la bouche d'un personnage présenté comme arriéré et idiot (Borat) permet de prendre de la distance avec eux. Les placer également dans la bouche de ses interlocuteurs, c'est en plus mettre ces préjugés en lumière et attirer l'attention sur eux au sein même de la sacro-sainte société américaine.

Le procédé n'est pas forcément d'une subtilité effrénée, mais il présente deux énormes avantages : rester dans le domaine du divertissement en évitant toute prise de tête (et donc diffuser cette critique implicite de la société américaine auprès du plus grand nombre) et apporter une sorte de caution morale à toutes les blagues potaches qui complètent le film. Il est rare qu'un film aussi féroce soit aussi drôle, et réciproquement. Après, difficile de dire quel degré de lecture, parmi les différents niveaux offerts, marquera le plus le public. En misant à fond sur l'outrance et la décadence, Sacha Baron Cohen parie sur l'intelligence de ses fans. Difficile de le tenir pour responsable de leur éventuelle bêtise, car il était impossible de faire passer sur grand écran un message plus univoque et intelligible.
 
MpM

 
 
 
 

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