Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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SND  



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La Cité Interdite (Curse of the golden flower)


Chine / 2006

14.03.2007
 



MASSACRE A LA CHRYSANTHEME





"Pas un mot ou notre clan sera exécuté."

Ceux qui vont au cinéma comme ils vont au musée vont adorer La cité interdite car tout y est d'une beauté à couper le souffle qui ferait presque oublier qu'il s'agit d'un film. Alors on visite, au gré des scènes, les couloirs aux tapisseries miroitantes et aux murs translucides, les terrasses extérieures aux millions de fleurs, les pièces baignées d'une lumière dorée où la richesse des tentures le dispute à la somptuosité des paravents. On s'extasie devant les costumes fastueux portés par la famille royale comme par ses domestiques : la robe phénix de la reine, brodée d'or, son casque qui semble imiter le soleil, les lourds bijoux qui illuminent sa chevelure… tout est d'une perfection intense qui donne envie de s'étourdir les sens.

On sent que Zhang Yimou s'est également fait plaisir avec le choix des cadres et la composition des images, ultra-léchées, comme lors de la scène de combat entre le fils (armure argentée) et le père (armure dorée), annonciatrice de la bataille finale, qui est une fulgurance d'éclats et de reflets mouvants se mêlant et s'opposant. C'est magnifique visuellement, presque trop, tant la chorégraphie semble parasitée par le désir de faire beau. D'une manière générale, toutes les scènes d'action sont esthétisantes à l'extrême, si bien que le nom du vainqueur importe moins que le jeu changeant des lumières et le ballet virevoltant des protagonistes.

Peinture morte

Le secret des poignards volants était une magnifique coquille vide, La cité interdite fait à peine mieux : rythme défectueux, intrigue comme figée dans la magnificience des décors, manque de profondeur des personnages… Quoi que prometteur lors de la séquence d'ouverture (cavalcades de guerriers en alternance avec des rituels quotitiens effectués en rythme par des centaines de femmes), le scénario n'est jamais à la hauteur des aspirations artistiques du réalisateur, et même la simili tragédie grecque au cœur du récit est édulcorée. On sent bien que Zhang Yimou a voulu tendre du côté des grandes fresques historiques qui ont fait les beaux jours du cinéma hongkongais des années 70 : mais la Shaw Brothers, elle, pourtant moins opulente que cette superproduction à l'américaine, était entourée de scénaristes talentueux et surtout de chorégraphes rompus aux scènes de combat spectaculaires et efficaces lui permettant de réaliser des films enthousiasmants et endiablés. A côté de ces œuvres nerveuses et décomplexées, Le cité interdite semble une belle peinture morte et empesée qui a perdu son sujet de vue.

Peut-être le réalisateur a-t-il trop complaisament voulu donner aux spectateurs occidentaux ce qu'ils attendent d'un film chinois en costumes, c'est–à-dire du sublime, de l'exotique et une pointe de cruauté légérement sordide. En un mot, des stéréotypes qui, s'ils étaient dans un film américain, feraient hurler tout le monde. Mais Zhang Yimou est chinois, il sait de quoi il parle, et personne n'osera lui jeter la pierre, même si son film vacille dans l'outrance une scène sur deux.

Zhang Yimou, chantre du pouvoir absolu ?

Toutefois, la vraie question, c'est qu'est-ce que le réalisateur essaye de nous dire sur la Chine actuelle au travers de ce type de film ? Peut-être est-ce justement là que le bât blesse. Car si l'on avait accepté de bonne grâce sa vision centralisée du pouvoir dans Hero (être prêt à tout sacrifier pour obtenir l'union du pays car, à long terme, celle-ci assurera la paix et la prospérité), expliquant comment se construisent les civilisations, rien de tel dans cette Cité interdite où chacun joue un jeu éminemment personnel. Aucune justification politique ou sociologique derrière les comportements barbares mis en lumière par le film, si ce n'est "la fin justifie les moyens". Et quand des milliers de soldats anonymes tombent sous les flèches des hommes de l'Empereur, ils s'amoncellent en un tas informe et déshumanisé d'où n'émerge jamais aucun visage. Il ne s'agit alors plus d'une bataille pour l'honneur ou le pouvoir mais du massacre vengeur d'individus interchangeables et sans valeur.

L'idée de sacrifier les masses "pour leur bien" était déjà dérangeante, celle de les sacrifier pour son bon plaisir (ou pour régler ses histoires de famille) devient carrément révoltante. Si encore on pouvait y voir une critique sociale ou politique d'un régime qui abandonne en arrière ceux qui ne sont pas capables de prendre le train de la "nouvelle économie"… mais en réalité, Zhang Yimou se moque bien pas mal des laissés pour compte puisqu'il ne les incarne jamais. Ce n'est donc plus de la propagande politique, c'est une menace. Et étonnamment, elle est proférée par celui-là même qui pointait les difficultés de la Chine au cours des années 90. Zhang Yimou, chantre du pouvoir absolu et omnipotent, voilà qui n'en finir plus de déconcerter. A moins que cela ait quelque chose à voir avec le fait qu'il se soit mis au service du pouvoir officiel, lequel lui a confié l'organisation des cérémonies d'ouverture et de clôture des Jeux olympiques de Beijing.


 
MpM

 
 
 
 

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