Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Le candidat


France / 2007

11.04.2007
 



ELECTION, PIEGE À CONS





«- La politique c’est un jeu d’échec. Un champion du monde sait dès l’ouverture comment il veut finir.»

Premier film de l’acteur Niels Arestrup, Le candidat aurait pu s’intituler Le comédien. Il y a peu de différences, à voir le scénario se dérouler sous nos yeux, entre la préparation d’un débat crucial d’entre deux tours d’une élection présidentielle, et la répétition avant d’entrer en scène. La théâtralité, le sens des répliques, la justesse des mots, la reproduction exacte des émotions ou de la sincérité font d’un candidat un parfait comédien. Il y a les retouches de maquillages, les essais de costumes, l’importance du texte.
Si Arestrup a si bien transformé l’essai c’est sans doute qu’il tenait un bon script entre les mains, doté d’un suspens fondé sur le doute, le tract, la motivation primitive. Entre The Queen (et ses intériorités existentielles) et Le Président (avec ses calculs et complots politiques), Le Candidat se demande comment être fidèle à son engagement, contourner les manigances en coulisses, conserver son honnêteté intellectuelle et se faire élire dans un combat forcément démagogique. La vérité est ailleurs, elle peut évidemment déranger. Il y a une part de cynisme et de candeur qui se mixent dans le final, abouti.
Pourtant, les débuts sont déroutants. Signes extérieurs de richesses du pouvoir, des parasites et autres coachs. L’homme politique est isolé, opulent, gâté, un peu aveuglé, trop protégé. Les mouvements de caméra séduisant, l’image élégante forment les apparats d’un beau film. Chose rare pour être signalée. Car l’histoire se double d’un regard. Parfois lent et méditatif, il se fait souvent incisif et alerte dès que les gestes font place aux visages, dès que les détails sont substitués par des (ré)actions. Le stress et les nerfs qui lâchent, la recherche d’un bol d’air dans ce huis clos étouffant, le second souffle énergétique, Arestrup joue les metteur en scène dynamiques et les marionnettistes malins. En gourou (second rôle en pantoufle et dans un fauteuil) il cristallise l’attention et dévoile ses intentions. Il filme l’immobile et le furtif, le naturel et l’intellectuel. Un « training montage » où les individus tentent l’impossible : fonctionner en collectif. Il s’amuse à décrire cette fabrication d’images tout en se laissant prendre au piège séducteur de tout ce cinéma. Une farce à prendre au sérieux, en quelques sortes...
Aussi l’incarnation est essentielle pour rendre l’ensemble crédible. Yvan Attal trouve ici un rôle à sa mesure. Où la mascarade et le second degré se mélangent à la lucidité. A la fois brillant et peu charismatique, banal et sous estimé, il est ce présidentiable un peu loser, cet homme prometteur, à la fois cérébral et instinctif. Attal nous fait vite comprendre l’itinéraire de cet ancien étudiant devenu politicien, moraliste dans l’âme. En quelques plans, il donne chair à cette sentence : «Ce qu’on fait, peu d’hommes peuvent le faire.»
D’où, sans doute, le parti pris esthétiques où l’ombre est très obscure, et la lumière presque surexposée, comme si la politique obligeait ce manichéisme noir et blanc, excessif. Une guerre d’image qui puise son inspiration dans la dialectique, malgré tout. La prétention, la suffisance des ces néo-aristocrates coincés dans leur château fait contraste avec des lieux plus humbles, lieux de vérité : le cabinet d’un docteur, le salon de son professeur et mentor, ... Cette opposition aurait pu être simpliste si Arestrup n’avait pas réussi un film subtil, jusque dans le discours. Il ne s’agit pas de faire péter le système mais plutôt d’abattre la mécanique, la méthode, et notamment le contrôle des médias. Cette destruction (et les crimes qui l’accompagnent) en fait un constat glaçant de « real politique », où l’intelligence et l’intuition sont les seules ingrédients salvateurs.
Voilà Le Candidat. Un film froid qui se chauffe à la lumière d’un début d’été. Un film où l’on flingue (littéralement) la morale, où n’existe pas le « normal », où le vainqueur n’a rien d’un triomphateur royal.
 
v.

 
 
 
 

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