Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford (The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford)


USA / 2007

10.10.2007
 



LE MOTEUR DE FORD





"- Tu veux me ressembler ou tu veux être moi?"

Lent et beau, troublant. Cet Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford - on ne l'écrira pas deux fois en entier - se laisse contempler, avant toute autre chose. Il exhale son dernier souffle de carbone (14) pour retracer le crépuscule d'une star. Car Jesse James ne peut pas être un héros. Il n'a jamais oeuvré pour le bien des autres. Voyou, il n'est que l'emblème suprême d'une Amérique sauvageonne et encore sauvage. Ce portrait d'un homme hanté par ses meurtres, par une guerre jamais cicatrisée dans sa peau, par ses peurs intimes et jamais confessées, est aussi celle d'une souffrance et d'une dépression qui ronge comme un cancer le plus habile et le plus craint des bandits de grands chemins. Dans les pas des vedettes des années 70, Robert Redford et Gene Hackman, Brad Pitt incarne avec un grand professionnalisme ce personnage dur et fermé, inquisiteur et violent, dévitalisé et méfiant. Il parvient à le rendre parfois sympathique, souvent humain. Son jeu s'interprète essentiellement à travers ses yeux, qu'ils détectent le mensonge ou cherchent une vérité, qu'ils se noient dans une aspiration suicidaire ou qu'ils s'accrochent à un regard qu'il espère complice. Les blessures morales paraissent plus vivaces que celles des balles.

Pitt et Affleck se renvoient l'ombre et la lumière
Et donc de Robert Ford, soit Casey Affleck. L'un n'irait pas sans l'autre. Le duel annoncé n'existera pas. Il s'agit plutôt d'une fusion. Un Western où les deux cow boys sont dans le camp des méchants, où les deux tirent dans le dos, où le tueur est déjà connu. On le comprend bien : l'enjeu n'est pas dans une quelconque action ou un suspens entretenu. Il est plutôt de savoir comment Ford a eu le courage de passer à l'acte, de tuer le mythe, son idole qui plus est, comment James, toujours à l'affût, s'est laissé tirer dessus. Affleck est dans un registre différent de celui de Pitt. Jesse James est une star crépusculaire, adulée, fantasmée, adorée par des jeunes gens comme ce fan de Robert Ford. Ce dernier est un jeune homme sans charisme, fébrile, malin, rêvant de lumière, toujours considéré comme le "bébé", parfois humilié, certainement complexé. "T'es jamais qu'un blanc bec déguisé en aventurier". Ses yeux sont rarement tranquilles, son sourire toujours énigmatique. Il cherche à avaler chacun des gestes de son icône.

American History experimentale
Cette relation du fan et de la star aurait pu être transposée sur d'autres faits divers du genre au cours des derniers siècles. Mais cette période historique, où l'Amérique est encore rurale, précaire, insécure, pionnière offrait un cadre onirique pour un cinéaste qui a particulièrement soigné son cadre. Chaque paysage, chaque nuage offre l'occasion d'un tableau naturaliste somptueux. Outre la photo, qui s'octroie des bords flous et des effets de verres optiques déformants, il y appose une musique aux tonalités "new age" et une voix off excessivement littéraire. Le film intercale ainsi des instants poétiques, pure grâce artistique issue d'un vidéaste, dans une histoires avant tout psychologique. Nous sommes plus proche de Danse avec les Loups et d'Impitoyable que d'un film du genre des années 50. Même les dialogues sont joliment ciselés. l y a un soin presque perfectionniste apporté à chaque séquence. La sobriété de l'assassinat de Jesse James, le suicide pudique d'un des assassins et la scène finale suggestive rendent l'oeuvre plus discrète que âpre, plus subtile que flamboyante. Il fallait au moins ça pour transformer ces minables et misérables en gang digne du grand écran. Bien que justifié ("On dirait qu'il va de gars en gars pour dire adieu au gang"),il s'agit sans doute la faille du film. Il se détourne parfois de sa voie. La voix d'ailleurs disparaît dans ces moments là. Il se perd dans les histoires connexes, et annexes, de la bande de malfrats. Script "groupusculaire", il s'attarde plus que de raison sur des relations secondaires, perdant parfois en route ses deux personnages principaux. Heureusement il y aura un cadavre dans le café ("Il a encore un brin de souffle mais il a l'air fichu") pour conclure cette déviation narrative. Le dernier tiers de cet Assassinat se laissera happer par le mystère qui enveloppe toute l'oeuvre. Ainsi nous nous intriguons enfin sur la relation ambiguë entre James et Ford.

Une Odyssée où les sirènes sont celles de la police
Après avoir papillonner de personnage en personnage, nous passons d'un film invertébré à un flm respirant sous haute tension. Le déploiement de Ford et l'abattement de James se fondent en un pacte secret et silencieux qui verrait Jésus choisir Judas pour mettre le trahir et le rendre martyr. Les deux hommes, aux désirs contrariés, aux tourments assumés, s'unissent dans leur destin, leur fatalité, pour tenter d'accéder à une gloire que la réalité ne leur offre pas. Ce consentement jusque dans la mort ne peut exister que s'il y a intimité. Ou l'illusion d'avoir trouver son double.

Mais l'un deviendra bête de foire posthume quand l'autre fera le comédien. Le show biz se nourrit des crapules, préférant le salaud de grand voleur au fade et cupide justicier. La morale n'existe pas. Il ne s'agit là que d'une malédiction où la fascination l'emporte sur la raison. Pour l'un comme pour l'autre la libération passe par une mort salvatrice, où l'on regarde un cheval, un plafond, un ailleurs. C'est cet étrange sentiment de les sentir "ailleurs" dans un film "distant" qui nous envahit et nous envoûte. Doux et déviant, troublant.
 
vincy

 
 
 
 

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