Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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La clef


France / 2007

19.12.2007
 



UN PERE ET MANQUES





« - Et qui était Denis Seghers ?
- Votre père.
»

Après l’homme (Une affaire privée), la femme (Cette femme-là), Guillaume Nicloux s’attaque à l’enfant, en l’occurrence un trentenaire orphelin, adopté par la suite, dont les origines vont vite le rattraper. Comme pour mieux faire le lien, l’homme (Lhermitte) et la femme (Balasko) vont permettre à l’enfant (Canet) de retrouver ses racines, à défaut de pouvoir se réconcilier avec. Car si La clef a les allures du polar à l’atmosphère lourde, il est surtout dans le registre du film noir, avec sa dose de désespoir et un optimisme moralisateur.
Artistiquement irréprochable, cette errance désincarnée où chacun cherche une piste pour trouver sa destination, trouve ses limites dans l’impression de déjà-vu. De tous les films de Nicloux, il s’agit sans doute du scénario le moins inspiré. Ca ne tient pas à la présence de ses personnages récurrents, Lhermitte en détective pathétique et Balasko en flic dépressive, tous deux excellents, mais plutôt dans la banalité (pour ne pas dire le cliché) des personnages principaux : Canet, Gillain, Rochefort, Paradis. S’ils sont tous à leur meilleur niveau pour insuffler de la subtilité dans un jeu très efficace, leurs rôles ne surprennent jamais tant le cadre sup, l’épouse banlieusarde, le salaud bien intentionné et la poupée héroïnomane se complaisent dans les préjugés cinématographiques. S’il n’y avait pas le talent des comédiens, et des scènes dramatiquement bien écrites qui méritaient d’être aussi bien défendues, on se désintéresserait assez vite de cette quête d’identité.

Mais Nicloux est malin comme un singe et sait jouer avec les fils qu’on lui tend. Les liens entre le passé et le présent, ces mondes parallèles qui fascinent tant Balasko, ces passerelles entre le bien et le mal, ces intersections imperceptibles entre diverses situations forment un ensemble cohérent où chacun va prendre la place qui lui revient : celle du mort (il faut bien qu’il y ait une justice) et celle des vivants. Et à ce titre, Nicloux a rescapé tous les personnages qui n’avaient aucune responsabilité dans les atrocités qu’il nous décrit cliniquement. Mais les volutes chaleureuses de nicotines ne masquent pas les détails répulsifs des corps mutilés. Après tout il ne sert à rien d’esthétiser une « mort qui sent la merde ». Et malgré l’éclaircie en fin de script, celui-ci est intriguant, inquiétant, perturbant, mystérieux. Ne révélant que lentement ses cartes, l’œuvre est volontairement confuse. Le tempo s’accélèrera sur la fin et permettra, avec un découpage plus frénétique, de nous rendre plus captif. Cependant, ces êtres abîmés par leur passé, leurs erreurs, ne vont pas être abandonnés en cours de route, ni même autorisés à fuir. Entre une cruauté humaine sans limites et un réalisme social contraignant, La clef essaie plutôt de se frayer un chemin vers un réveil moins douloureux que le cauchemar vécu, tout en passant le relais entre des anciens un peu pourris et des jeunes un peu naïfs. Parfois le spectateur anticipera facilement ce qu’il adviendra, plus rarement il sera pris au dépourvu.

Derrière tout cela se profile un monde scindé en quatre : les propriétaires (bourgeois), les sauveurs (flics, détectives, infirmiers), les charlots (victimes, marginaux) et les méchants. La société est omniprésente, tout comme la psychologie, chez Nicloux. Leur interaction produit davantage d’intérêt que les maigres aveux et rares indices évoqués pour nous faire avancer dans ce brouillard. Quelque part, La clef repose principalement dans la confrontation entre un hasard dont il fait l’apologie et un déterminisme aliénant. La complémentarité entre les quatre catégories fait que l’aléatoire sauve les gentils, et notamment ce beauf un peu bobo. La clef ne résout rien hormis son cas perso. En revanche il conclue une trilogie morbide passionnante et rare dans le cinéma français.
 
v.

 
 
 
 

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