Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Live !


USA / 2007

23.01.2008
 



LIVE OR LET DIE





"La possibilité de voir des gens mourir est passionnante"

La critique de la télévision, et spécifiquement de ses pires programmes, semble toujours un peu facile, presque à la portée du premier venu, tant ses excès et ses abus sont une cible aisée. Aussi, pour réussir un film comme Live, le mieux est encore d'y aller carrément. Pas question d'égratigner l'ennemi quand on peut l'atomiser avec grâce et élégance, soit exactement la manière dont Bill Guttentag s'empare de son sujet. Cela tient principalement à son choix de présenter Live ! comme un documentaire suivant pas à pas Katy, une productrice ambitieuse. Tout ce qui nous est montré à l'écran bénéficie alors de l'illusion d'authenticité et de spontanéité qui permet au réalisateur de montrer avec une vraie-fausse candeur les dessous de la télévision (recherche des concept les plus racoleurs, coups fourrés à l'intérieur de la chaîne, manipulation des faits et des lois…) et la création d'émissions censées répondre à nos attentes.

Guttentag, bien sûr, use de toutes les armes de la satire. Les séquences qu'il filme partent toujours d'une situation plausible (par exemple un brainstorming pour inventer une nouvelle émission), simplement passée au miroir grossissant de la distanciation (nous sommes des passagers clandestins assistant en cachette à la réunion), d'une légère exagération (les sujets proposés sont tous un cran au-dessus de ce qui existe déjà) et du cynisme le plus décomplexé (l'air gourmand avec lequel Eva Mendès évoque les pics d'audience provoqués par la mort en direct d'un candidat…). L'argumentaire utilisé par Katy pour vendre son projet sonne ainsi totalement juste, malgré son aspect horrifiant. C'est à la fois extrêmement explicite et particulièrement drôle, de cet humour noir à double tranchant qui, tout de suite après l'éclat de rire, donne à réfléchir sur la réalité des évènements parodiés.

Spectateur voyeur

Mais le phénomène s'amplifie encore au cours de la seconde partie qui nous donne cette fois à voir l'émission elle-même. Gonflé, Bill Guttentag réalise un vrai programme de télé-réalité, avec les armes et les codes propres au genre (musique oppressante, scénarisation à l'extrême, plans rapprochés, suspense artificiel…). Le réalisateur connaît suffisamment bien cet univers pour ne pas faire une seule fausse note, donnant réellement l'impression d'assister à l'un de ces shows incroyables. Ce faisant, il transforme ses spectateurs, même ceux qui auraient juré qu'ils n'y toucheraient pas, en parfaits voyeurs amateurs de sensation forte. Comme le dit une passante interrogée dans la rue : "montrer des gens jouer à la roulette russe avec balles réelles est répugnant, mais je n'ai jamais dit que je ne regarderais pas". Inmanquablement, on se retrouve coincé dans la position du téléspectateur lambda qui, parce qu'il a envie de savoir comment les choses vont finir, se laisse entraîner à regarder une émission dont il sait sciemment qu'elle est manipulatrice et odieuse. Plus on la regarde, plus on en voit les ficelles, et plus on expérimente dans le même temps l'immense pouvoir qu'elle peut avoir sur les gens.

La démonstration de Guttentag réside dans ce simple glissement de rôle, et le reste n'est qu'enrobage plus ou moins superflu. On est ainsi en droit d'être un peu déçu par la toute fin du film, qui semble perdre en cynisme et en audace. Mais le réalisateur ne renonce pas pour autant à sa vision à la fois pessimiste et critique des médias américains et, au-delà, de la société dans son ensemble. C'est aussi parce qu'il existe une telle fascination pour la violence et les situations choc que ce genre d'émissions fonctionne. Après nous avoir laissé un instant l'illusion qu'il allait nous dédouaner (le spectateur regarde l'émission parce qu'elle passe à la télévision), Guttentag enfonce le clou : en fait, ce genre d'émissions passe à la télé parce que des gens comme nous sont prêts à les regarder, que ce soit hypocritement (sous couvert de les critiquer) ou tout simplement parce qu'ils les aiment. Indéniablement, le public de tous les pays a la télévision qu'il mérite. Heureusement, il mérite aussi que, de temps en temps, on lui mette les points sur les "i" avec des films comme Live !.
 
MpM

 
 
 
 

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