Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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La journée de la jupe


France / 2009

25.03.2009
 



LA GIFLE





Le spectateur qui verra La journée de la jupe de Jean-Paul Lilenfield recevra ce film comme une claque. À côté, Entre les murs de Laurent Cantet montre un monde idyllique digne de "La petite maison dans la prairie". Si la partie policière relève involontairement de la mauvaise comédie, il faut saluer bien bas le vertige de la réalisation qui s’empare du huis clos entre Sonia Bergerac et ses élèves. Violence suffocante rappelant le basculement et la tension des Chiens de paille de Sam Peckinpah (1971).
Par leur attitude et leur langage, les adolescents retenus prisonniers font et se font la guerre sans même s’en rendre compte (« Sale race de feuje ! » est sincèrement pour l’un d’eux une opinion et non une insulte… ). Face à cette meute enragée, une enseignante vidée, épuisée, vaincue d’avance, déclare la guerre et menace sa classe avec un revolver tombé du sac d'un élève.
Dans les échanges de cette prise d’otages, Jean-Paul Lilienfeld, scénariste et dialoguiste, a déployé large l’éventail des clichés inhérents aux ZEP et aux multiples ethnies qu’elles abritent. Pourtant, lorsque ses dialogues évoquent les humiliations faites aux filles et aux femmes, les interprétations intégristes de l’islam, les valeurs de la laïcité ou encore la came, le cul, le business bling bling considérés comme les attributs de la virilité, son propos ciselé de mille de nuances écarte dans un rebondissement le pathos, le jugement hâtif et la bonne parole.

Étonnez-moi Benoît

Parlons un peu de cette fameuse bonne parole. Pendant la diffusion de La journée de la jupe, le ruban rouge du Sidaction s’affichait sur le coin de l’écran de télévision. Il se mêlait singulièrement aux réflexions racistes, sexistes et homophobes que prononçaient avec plus ou moins d’ignorance et d’automatisme les jeunes otages (dans ces banlieues au caractère très, très sensible, "It’s raining men" se traduit par « Je vais te massacrer sale pédé de sa race ! »)
Quelques images plus tôt, le JT de vingt heures montrait de Benoît XVI en Afrique revendiquant haut et fort l'usage néfaste du préservatif. Le sujet montrait Benoît, impeccable en tiare et robe chasuble, qui finissait de flinguer par ses mots un continent décimé par le fléau du SIDA.
C'est le dernier épisode de la série papale 2009 qui a démarré très fort dès janvier avec la levée d’excommunication de quatre évêques intégristes. Parmi eux, Richard Williamson, négationniste et manifestement très fier de l’être. Le climax dépasse toute espérance quand Rome justifie l’excommunication de la mère brésilienne d’une enfant de neuf ans violée par son beau-père. Petite fille porteuse de jumeaux et enceinte de quinze semaines. Un beau scénario de « Télé-Vaticano-Favela », n’est-ce pas Benoît ?... Cher Saint Homme, vous n’êtes pas sans savoir qu’un certain J. C. (mais non, pas Jean-Claude, l’autre) déclara un jour: « Aimez-vous les uns les autres ». Quelques siècles plus tard, vous enfoncez le clou si j’ose dire, et déclarez : « Aimez-vous les uns dans les autres avec vos sentiments chrétiens comme seule protection ou alors soyez abstinents ou… bannis ! ». Et moi, Benoît, si j’ai envie de m’envoyer en l’air sans pour autant être amoureux, qu’est-ce que vous allez me faire ? Me donner la fessée ou m’excommunier ?... Vous me connaissez, j’aurais tendance à pencher (euh, pardon à pécher…) avec délices pour la première solution ! Décidément, les voies du Seigneur déjà impénétrables revendiquent le crime contre l'humanité en ces temps troublés.

Pourtant, tout n’est pas si tragique. Diffusé sur Arte le vendredi avant sa sortie dans les salles, La journée de la jupe a été regardé par plus de deux millions de téléspectateurs, le meilleur audimat de la chaîne depuis sa création. Ce film nécessaire est magistralement interprété par de jeunes acteurs inspirés. Il marque aussi le come-back d’une reine sans couronne de cinéma : la plus belle des Isabelle de toutes les Adjani !

L’éternel retour

Mademoiselle Isabelle, trop, c’est trop ! Vous nous aviez déjà fait le coup en 1993. Absente des plateaux depuis Camille Claudel de Bruno Nuytten, vous reveniez avec Toxic Affair de Philomène Esposito. Autant le dire, une vraie cata ! Au bout d’un second silence, vous avez incarné avec la grâce opaline d’une estampe japonaise La reine Margot de Patrice Chéreau. Pêle-mêle, il y a eu Diabolique de Jeremiah Chechik avec son final grand guignolesque à mourir de rire ; Adolphe de Benoît Jacquot, une fausse bonne idée car le personnage titre du roman de Benjamin Constant est au centre de l’intrigue. Résultat : pour justifier votre présence dans le film, votre partition est gonflée et bancale. Moitié Viviane Romance, moitié Mireille Balin, vous excellez dans le sous-estimé Bon voyage de notre Ernst Lubitsch national : Jean-Paul Rappeneau. Hélas, le public boude cette épopée comme il ne s’en tournera probablement plus. Je glisse sur la poésie (très) approximative de La repentie de Laetitia Masson où, longue dame brune au visage de bébé phoque, vous finissez dans un désert en fourreau de dentelle traînant derrière vous comme un petit chien, un bagage à roulettes Vuitton. De Vuitton à Lancel, il n’y a qu’un pas que je ne franchirai pas car seule votre carrière cinématographique intéresse mon propos.
Sans faire partie du club de vos inconditionnels, je vous aime, Mademoiselle Isabelle et vous me manquez cruellement. Je suis convaincu, même si vous en êtes la preuve émouvante, vibrante, ardente dans La journée de la jupe, qu’un talent s’évente, se gâche par trop d’absence. Alors, je vous en prie, non je vous en conjure, revenez vite et surtout régulièrement sur les écrans des salles obscures !

Fée ou sorcière jamais apprivoisée, vous êtes la fille spirituelle d'Elizabeth Taylor - mais vous, vous avez dit non à la Cléopâtre de Alain Chabat. Pourquoi ?... Vous êtes sensationnelle dans les comédies ! Votre talent libre et survolté s'y entend pour chambouler la cour de France pendant les guerres de religion, bouleverser un collège de zep en crise ou encore faire bander un village du sud de la France lors d'un été torride et meurtrier.

Vous possédez avec Brigitte Bardot et Catherine Deneuve une lumière de star à faire rougir, s'embraser et se consumer la caméra qui vous filme.
Dans le désordre, vous êtes la plus démente avec Andrej Zulawski (Possession), la plus métaphysique avec Calude Miller (Mortelle randonnée), la plus désincarnée avec Roman Polanski (Le locataire), la plus fantomatique avec André Téchiné (Barroco), la plus exsangue avec Werner Herzog (Nosferatu) et surtout la plus intensément désespérée dans Adèle H, votre rôle somme offert par François Truffaut alors que vous n'aviez pas vingt ans !
Pour toutes ces raisons, je vous en prie, non je vous en conjure, revenez vite et régulièrement sur les écrans des salles obscures !

Sonia Bergerac est un personnage d'une puissance comme vous n'en avez pas croisé sur votre chemin de cinéma depuis belle lurette. Il va comme un gant à la tragédienne passionnelle que vous êtes, mais aussi au symbole citoyen que vous représentez. Isabelle Yasmine Adjani, mi-Allemande, mi-Algérienne, réunissant en vous les stigmates les plus profondes du racisme français pendant le XXe siècle.

Mademoiselle Isabelle, vous flottez dans mon panthéon et je vous rêve en Statue de la Liberté brandissant très haut un flambeau de métissage et de tolérance. Sur le piédestal qui vous hisse définitivement au rang des plus grandes interprètes du septième art, je visualise ces quelques mots :
« Je dis parfois à Isabelle Adjani : "Notre vie est un mur, chaque film est une pierre." Elle me fait toujours la même réponse : "Ce n'est pas vrai, chaque film est un mur". » (François Truffaut - Je ne connais pas Isabelle Adjani )
 
benoit

 
 
 
 

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