Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Embrassez qui vous voudrez


France / 2002

09.10.02
 



PORTRAITS DE FAMILLES MODELES





« - Si je pouvais faire la pute, je le ferais. Mais je n’ai même pas de quoi acheter un string !»

Comme les enfants, les adultes peuvent être cruels. Petites vacheries, gros mensonges, secrets convenus, ils parlent pour mieux se déchirer. EQVV embrasse peu d’ailleurs. Les bouches sont là pour boire, vomir, de chastes baisers et un flot ininterrompu de paroles. Quand les mots se taisent, quand les maux sont si immenses qu’ils imposent le silence, alors, les lèvres se joignent : les premières venues.
Déjà là, Michel Blanc se distingue. Dans ce joyeux et sinistre bordel immoral, dans ce chaos des sentiments où se mélangent ce que l’on accepte, ce que l’on assume et ce qu’on subit, le cinéaste apporte sa vision décalée, pour ne pas dire dérangée. L’univers est pessimiste. Les pathologies sont béantes et offertes. Les hommes souffrent de ce qu’ils ont tandis que les femmes se battent avec ce qu’elles ont. Mais tous cherchent un bonheur évanoui, la reconquête d’une nostalgie dissipée, et donc l’amour, ou tout du moins ses racines. Car plus les racines sont profondes, plus le couple résiste aux tempêtes. Si les vieux beaux sont sauvés, les jeunes téméraires vont à la casse. Ce regard que porte Blanc sur les gens est rempli d’humanité, de nuances, et justifie la folie de chacun. Certes son couple avec Bouquet inspire bien plus qu’une Grosse Fatigue, poussant les deux au pétage de plomb. Mais entre temps, son itinéraire est passé par Londres et la noirceur de son précédent opus a fortement déteint sur sa causticité. Les répliques fusent comme des balles de ping-pong , le ton est cynique, les vannes irrévérencieuses, et finalement le verbe est parfois vexant. La lâcheté, la bêtise, l’aveuglement, la violence, l’irresponsabilité, la cupidité ou encore l’envie sont autant de vilains défauts dépeints avec soin comme pour mieux dessiner les qualités attachantes de chacun, et en premier lieu la générosité du couple formé par Rampling et Dutronc. Si aucun couple n’est épargné, Blanc en rajoute une bonne dose pour le conduire à sa fatalité : la séparation (à une exception près).
Cette dose est constituée d’une surenchère de révélations et de quiproquos tantôt loufoques tantôt dramatiques. Les visages rient puis se défont avec un naturel confondant. Mention à tous les comédiens. Mais surtout aux comédiennes. Car les hommes servent ici de faire valoir à des portraits de femmes somptueux. Courau, Viard, Bouquet, Rampling et avec un clin d’œil audacieux à Neil Jordan, Mickaël Dolmen, ont des rôles servis dans des coupes du meilleur champagne. Le cinéaste laisse de la place à leurs personnages et nous les fait aimer, avec leurs fêlures, leurs défaillances, et leurs détermination. Ici l’age ne compte plus, la sexualité non plus. A l’instar d’Ozon, Blanc ose une sensualité qui ne se soucie d’aucun tabous. Sa sensibilité « transgenre » amène des ambiances variables : nocturne électrique, douceur marine, été ensoleillé, … Il navigue entre les vagues à l’âme et les larmes de rire, avec deux sommets d’écriture : la séance du pique nique (nique) et l’histoire des bonbons à la menthe (loin d’être religieuse). Cette vie en zig-zag est un atout comique et burlesque digne du membre du Splendid. Mais que de chemin parcouru depuis. Blanc voit noir. Le réel l’a rattrapé. Tous ont plongé dans une série de mauvaises passes : adultère, détournement de mineur, incivilité sur la voie publique, pots de vins, suicide… La société bourgeoise a enfanté des monstres tous bons pour l’Hôpital Psychiatrique. De petites morts en misères humaines, cette semaine au Touquet, triste si elle n’était pas si cocasse et imprévisible, si elle ne réunissait pas autant de fous en unité de soin, ou disons dans un hôtel spécialisé dans la remise en forme, respire un air qui devient enfin pur. Car tout est irrespirable au début. Les gens s’aiment mais se rendent la vie invivable. Un comble.
Blanc le dépressif et pathétique malade imaginaire (ces trois derniers films l’attestent, mais aussi Tenue de Soirée et Monsieur Hire, deux de ses rôles symboles) est passé de l’hilarité au rictus grinçant. Désormais il grimace et il ferait peur aux enfants. Car derrière ces couples qui foirent et font semblant de faire la fête pour célébrer leur crépuscule, la génération suivante n’est pas très belle à voir : matérialiste, perturbée, inconsciente, naïve. Bref Embrassez qui vous voudrez sonne comme une fatalité où l’important n’est pas d’aimer mais de savoir cohabiter avec des êtres plus individualistes les uns que les autres. La mélancolie, alors, s’empare du regard de Rampling, tourné vers le passé, seule, dans le noir. L’inventivité du scénariste Blanc est de nous laisser deviner des fins, la vie après. Post Coïtum. Animaux tristes.
 
vincy

 
 
 
 

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