Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Une exécution ordinaire


France / 2010

03.02.2010
 



LES MAINS DE HANDS





« - Tu sais très bien que personne ne peut protéger personne.
- Mais tout le monde peut dénoncer tout le monde.
»

Il y a un décalage, au départ, qui empêche d’être immergé dans cette Russie stalinienne d’Une exécution ordinaire. C’est particulièrement frappant quand Denis Podalydès – en concierge – clame ses phrases en interpellant par le prénom et le nom les locataires de l’immeuble. Il y a un air de Tchekhov, récité au théâtre, en Français. Il faut du temps, en effet, pour s’habituer à ces comédiens si familiers déguisés en russes des années cinquante. Une époque assez moche, au passage. Passons sur cette emprise du collectivisme qui écrase toute aspiration individualiste. Mais l’atmosphère a une sale gueule : méfiance, pressions, dénonciations. Rien d’honnête, rien de beau. La reconstitution est crédible, même si Marc Dugain esthétise le tout pour que rien ne soit trop sordide, en dehors du macchiavélisme de chacun. Il n’y a qu’une séquence qui apparaît humaine et suave, au début du film. Marina Hands et Edouard Baer, dans leur « bulle », s’enlaçant à la lumière douce. Mais comme souvent la réalité s’impose d’elle-même, ce couple va être détruit par le Régime.

Le décor est donc soigné, le scénario élégant, le casting très chic, mais inégal. Edouard Baer est certes soumis en amoureux transi mais trop effacé. Tom Novembre n’a pas son charisme habituel. Marina Hands n’a donc aucun mal pour abattre so jeu avec maestria et intensifier chaque doute qui lui passe par la tête. Mais le tour de froce n’est pas là. Car si l’Histoire est un peu remaniée pour les besoins de la dramaturgie, elle entre de pleins pieds dans le film quand la médecin-magnétiseuse qu’Hands incarne va soigner secrètement … Staline.

Et ne serait-ce que pour le dictateur, le film vaut le coup d’œil, et mérite qu’on tende l’oreille. André Dussollier n’est pas méconnaissable, il est le camarade Staline. On ne reconnaît plus l’acteur, on ne voit que la figure historique. Il s’octroie les meilleures scènes, dialogues inclus, plus théâtrales que cinématographiques. On entre dans le jeu, ou pas. Avec Marina Hands, Dussolier compose la partition de la Belle et la Bête. On a peur pour elle lorsqu’elle se jette dans la gueule du loup. Un loup de très mauvaise foi, faussement humble («Je n’ai pas le pouvoir de trouver un logement. Je ne suis que Staline.») mais qui a droit de vie ou de mort sur tous les Russes. Il traîne une horreur nonchalente qui rend le tyran irrésistible qui mélange ses intérêts personnels aux intérêts d’un Etat impitoyable.

Alors Hands, s’enferme dans ce jeu, s’enfonce par sacrifice, suit son destin tragique, piégée par ses dons, manipulée par son client. Maudite.
Cette part sombre est fascinante, mais la mise en scène très sage affadit l’abyme et un rythme parfois inutilement allongé. Aucune profondeur cinématographique ne vient mettre du relief dans cette relation masochiste (« N’oublie pas tes mains, je viendrai avec mes douleurs. ») . Il faut toute l’absurdité du système, de la logique communiste, pour sortir de l’ordinaire des séquences parfois banales. Heureusement, Une exécution ordinaire s’offre de belles répliques littéraires, et de jolies métaphores. Mais la caméra de Dugain ne parvient pas à magnifier la plus belle d’entre elles, quand Staline fait un parallèle sous entendu entre le paysage qu’il observe et sa médecin confidente. « La nature est belle. Dommage qu’elle soit si contradictoire. C’est pour ça que nous l’avons matée.»
On sait comment la nature sait rappeler à l’Homme qu’elle est indomptable. Il manque peut être ce petit degré de folie, d’ivresse de liberté pour nous emporter dans cette destinée infernale.
 
vincy

 
 
 
 

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