Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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La fleur du mal


France / 2003

19.02.03
 



UNE AFFAIRE DE FAMILLE





"- Plus les gens sont pauvres, plus les chiens sont gros et méchants."

Chabrol, pierre après pierre, prolonge son plaisir en construisant le portrait de la bourgeoisie provinciale française. Ce n’est pas la première fois qu’il s’attaque aux corbeaux, aux incestes, aux familles type Dr Popaul, à ces doutes sur la paternité (et la transmission qui s’y associe), à ces notables ambitieux et relativement immoraux.
La Fleur du mal est typiquement chabrolien, jusque dans les séances de bouffe, les mensonges et hypocrisie de ses personnages orgueilleux, les bons mots ("- Alors t’as fini par revenir ?
- Je suis revenu parce que j’ai finit.
"). Et si la fin s’annonce libératrice dès les premières images, si la culpabilité est le poids qui compense une gêne embarrassante, des souvenirs lourds de sens, on ne peut pas dire que le film baigne dans l’optimisme, malgré ce happy end "pour faire bonne figure".
Le film prend le prétexte d’une atmosphère policière, d’une famille con-sanguine, mettant ses sentiments et ses secrets en cage. A ce titre, nous sommes plus proche du délicieux Poulet au Vinaigre que du monstre de froideur qu’est Merci pour le chocolat. Caustique, cynique, cette civilisation de faux-culs offre un ballet permanent pour anoblir la connerie humaine. Mais à force de balancer des choses horribles, il arrive d’horribles choses. Car il s’en passe de "belles " derrière les haies et les murs de ces magnifiques maisons cossues.
Cependant, Chabrol a des réclamations. Il souhaite parler, donner un point de vue. Il semble passionné par les liens du sang et les coïncidences d’une génération à l’autre. Depuis 40 ans, il filme une chronique d’une mort annoncée, celle de la middle-class occidentale, comme on épingle des papillons au mur. Mais là encore cela cache des choses : une envie de raconter comment notre société est issue du sang, comment elle se fonde sur le patrimoine génétique comme social.
A cela, s’ajoute, cette fois-ci une satire politique. Il n’est pas innocent si la moitié de la famille est décimée en 44 (Libération), en 58 (Vème République) et en 81 (Mitterrand au pouvoir). Chabrol place une campagne électorale en toile de fond. Sans démagogie. Le politicien n’est pas plus brocardé que louangé. Le peuple en prend aussi pour son compte. Le vote n’est pas sacralisé. Mais il est montré. Il n’y a ni gauche ni droite. Il y a des intentions de gauche (la proximité) et des réactions de droite. Et puis il y a le candidat du FN, le passé collabo d’un grand père, celui qui vote facho. Chabrol prend position et tue la bête immonde par deux fois : en assassinant l’électeur du FN et en faisant gagner la candidate démocrate.
Apparaît alors ce sentiment de justice qui traîne tout au long du film. Car l’autre pion central de ce film est la notion d’innocence, de crime, de culpabilité. On ne peut se démettre de ses responsabilités, même lorsqu’on croit avoir eu (ses) raison(s).
Cela donne un discours limpide, lucide, intelligent sur les fondements de notre cohésion sociale et notre liberté : jamais il ne juge les moeurs, mais il accuse toujours les lâches.
Il est presque regrettable qu’un si bon film (le plus caustique depuis un bail, le moins cérébral depuis La Cérémonie) soit spolié par les imperfections de la technique : micros dans le champ, sens du cadre approximatif, clichés de certaines images... Heureusement que les acteurs n’y prêtent pas attention et débitent leurs dialogues savoureux pour notre plus grand plaisir. Il récite avec coeur le texte mordant d’un de nos plus grands cinéastes vivants. Reste qu’à trop coller aux détails du réel, on se sent peu séduit par sa démarche artistique qui se résume à être une publicité pour les terroirs de France. Peut-être que l’équipe technique était trop gavée d’excellentes huîtres ou qu’elle faisait grève : " - Un jour de grève ça fait du bien à tout le monde.
- En tout cas ça ne fait de mal à personne.
"
Sauf au spectateur-citoyen qui doit aller voir ce bon film mais qui reteindra la pauvreté visuelle d’un cinéma français trop confiant dans le talent de ses comédiens et de ses scénaristes.
 
vincy

 
 
 
 

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