Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Easy Money (Snabba Cash)


Suède / 2010

30.03.2011
 



LES SENTIERS DE LA PERDITION





« - Savez vous que les talons aiguilles représentent l’oppression phallique chez la femme ?
- C’est pour ça que je les aime épais.
»

Plus noir que Millénium, plus brut aussi, Easy Money est un de ces polars scandinaves qui aurait pu se transposer dans n’importe quel pays occidental : immigration, trafic de drogue, élites en décomposition, crise financière, bas-fonds d’une grande ville. Plus proche des polars anglo-saxons que des téléfilms venus du froid, Easy Money n’a rien du film à enquête avec happy end à la clef : c’est une critique sociale sur fond de descente aux enfers.

En se concentrant sur le personnage de JW, contrairement au livre dont il s’inspire qui s’offre trois points de vue, le film prend le parti d’un quelconque jeune homme occidental issu de la classe moyenne, ambitieux tel un Rastignac, naïf tel Candide, et se révélant vaniteux au milieu des malfrats avec qui il signe un pacte du diable. Pas franchement sympathique d’apparence, et pourtant ce métrosexuel provincial est si habité par le doute et si conscient de l’impasse dans laquelle il se fourvoie qu’il en devient humain et suscite l’empathie. Résidu de bonne éducation. « Tu ressembles à un gosse de riche mais tu vis comme un camé » Beau gosse se mentant à lui même comme aux autres, le mytho est séduit par le graal de notre civilisation : l’argent, tout comme son compagnon d’infortune, un latino-américain évadé de prison. Ils perdront beaucoup, contrairement au mafieux Serbe qui va comprendre que sa fille a plus de valeur que tout le reste. Le talentueux Mister JW est le trait d’union entre la Suède blonde et les immigrants du sud et de l’Est.

Car un film noir n’est pas exempt de morale ni de symbolique. Le bien et le mal s’affrontent sur une ligne floue où l’intention compte plus que l’acte lui-même. La figure du père a beau être périphérique, tous prennent leurs décisions en fonction du rapport à la paternité. La Suède semble ne plus avoir de racines… Le scénario est efficace. Le réalisateur essaie d’y apporter sa touche personnelle. Hélas, il ne parvient pas à la maintenir sur toute la longueur. Il se perd un peu dans le méli mélo des relations humaines (le père et sa fille, les deux jeunes amants). La mise en scène cherche à être originale au début pour devenir très classique sur la fin. La violence s’assagit avant de se réveiller pour déclencher une guerre. Une évasion de prison, une baston violente en boîte de nuit, une soirée chic de cols blancs propres sur eux. En trois séquences, le film installe ses personnages et affichent les paradoxes qui font de Stockholm une métropole comme les autres. Les séquences s’enchaînent avec un procédé systématique : début de la scène, insertion furtive de la scène précédente, démarrage définitif de la nouvelle scène. Mais, sans doute à cause de la peur de lasser, Espinosa découpe son film, esthétique et soigné, de manière plus académique, avec un bon sens du rythme au début et à la fin. Le triple jeu et les trahisons l’aident à maintenir son film sur le qui-vive. L’épilogue sera d’autant plus imprévu, et désespérant. Difficile d’être touché par tant d’autodestruction. Mais au moins le réalisateur a privilégié la cohérence du réalisme à une tension insoutenable tape à l’œil.

Il n’y a aucun ennui dans cette histoire : grâce à des personnages riches, une intrigue dense et un montage vif, Easy Money remplit son rôle divertissant. La Suède apparaît beaucoup moins séduisante : zones portuaires, HLM, quartiers pourris, racisme, corruption, … un pays en perdition. Pourtant, ce film aux desseins obscurs et aux destins opaques est baigné de lumière, saturé de blanc. Comme si la pureté était le révélateur de ces horreurs cachées, comme si la transparence n’était qu’un leur face aux mensonges.
 
vincy

 
 
 
 

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