Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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J'ai rencontré le Diable (Akmareul boatda - I Saw the Devil)


/ 2010

06.07.2011
 



INDIGNITÉ HUMAINE





Une jeune femme en panne de voiture au bord de la route est au téléphone avec son fiancé quand elle rencontre un inconnu, qui est un psychopathe particulièrement sadique. Devant la tête coupée de la victime, le fiancé fou de douleur jure de se venger. Commence alors une chasse à l’homme durant laquelle il va perdre son humanité : il veut faire le plus de mal possible au coupable, le laisser en vie pour recommencer à l’attraper et lui faire encore plus mal… C’est la perversité de ce stratagème qui domine le fond (une progression dans la violence et la barbarie) et la forme du film (une durée de 2h24 avec une alternance de séquences cruelles). C’est avant tout un duel extrême entre deux hommes qui se découvrent le même instinct : faire souffrir avant de tuer.

Si au début on peut croire à une vengeance en forme de justice personnelle expéditive, on se rend vite compte qu’il n’est pas question du Bien contre le Mal. Au jeu du chat et de la souris les deux hommes vont se révéler leur visage le plus animal : ce sont des monstres…
Si on veut bien considérer rétrospectivement la filmographie du réalisateur Kim Jee-woon on peut se rendre compte que son dernier film J’ai rencontré le diable marque une étape (il est engagé à Hollywood pour un prochain film de studio en anglais) tout en fermant un cycle en guise de retour aux sources.

Il a dynamité le western avec Le Bon, la Brute, et le Cinglé, tiré dans le polar avec A Bittersweet Life, effrayé l’horreur avec Deux soeurs, joué de la comédie avec The Foul King et enterré des cadavres avec humour noir dans The Quiet Family (avec déjà l’acteur Choi Min-sik). Ce premier film à la mise en scène plus brouillonne se devait d’être complété par un nouveau film rempli de cadavres, mais cette fois hors de question de ne pas filmer la mort en face : place à la violence la plus sanglante et la plus immorale. L’opportunité s’est présenté de mettre en scène un polar typiquement coréen du style vengeance à coups de marteau dans la gueule, un genre à la mode (Old boy, The chaser, Bedevilled, The man from nowhere…) où pour lui le défi était comme pour ses autres longs métrages de s’élever encore plus haut.

Cette fois le scénario vient de l'extérieur et il intéresse l’acteur Choi Min-sik pour son retour au cinéma (il s’était mis en retraite des tournages), ces retrouvailles avec le réalisateur Kim Jee-woon qui décide de l’associer à son autre acteur fétiche, Lee Byung-hun, étaient des plus excitantes. Qui aurait pu supposer que la réunion de ces deux stars très populaires et d’un des plus grand réalisateur de Corée allaient donner lieu à un film aussi sanglant ? La sortie de J’ai rencontré le diable a été retardée à cause de certains plans dont la violence représenterait une atteinte à la dignité humaine : environ deux minutes d’images ont été coupées du montage.
La violence de J’ai rencontré le diable survient par vagues successives, une scène violente amène un répit avant qu’une autre arrive ensuite. Chaque nouvelle confrontation entre les deux hommes provoque un combat violent et sauvage, et entre chaque affrontement chacun va éprouver la violence de sa bestialité. La première scène du film reflète les autres séquences violentes qui vont suivre ensuite : le spectateur sait que ça va dégénérer mais pas jusqu’à quel point, et à chaque fois c’est très brutal. Le réalisateur parvient à nous fasciner au point de ne jamais détourner le regard. Son talent visuel des déplacements et du rythme (caméra qui tourne autour d’une voiture tout en nous montrant le combat d’un homme contre deux autres à l’intérieur, des têtes qui sont frappées en plan fixe, gros plans sur les regards, un humour très spécial…) est tel qu’on attend la prochaine scène de violence plus qu’on ne la redoute. Kim Jee-woon ne nous épargne pas grand-chose entre le sang qui gicle et la chair tailladée, il réussit le délicat exercice de jouer avec les limites du supportable. Si certains voudront lui reprocher de la provocation avec beaucoup de scènes extrêmes, rien de tout cela n’est gratuit. Cette surenchère de violence conduit progressivement le spectateur à perdre sa sympathie en faveur du supposé héros et voir même a ressentir de l’empathie pour l’ignoble psychopathe.

L’expression ‘J’ai rencontré le diable’ pourrait être la leur à chacun tellement ils vont faire face à un autre qui représente un autre monstre. Le scénario est d’ailleurs assez habile pour les faire croiser d’autres assassins de la pire espèce, comme si chaque coréen pourrait se révéler meurtrier en puissance. Il faudra un jour s'interroger sur cette violence bestiale qui anime l'imagination des cinéastes de ce pays...
Pour Kim Jee-woon "ce film pourrait être une fable sur le thème de la souffrance partagée".
Le film a tout de même été un réel succès en Corée, en France il a été primé au festival fantastique de Gerardmer et Kim Jee-woon est venu le présenter au Festival Asiatique de Deauville.
Déconseillé aux moins de 16 ans et surtout aux plus sensibles.
 
Kristofy

 
 
 
 

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