Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Au pays du sang et du miel (In the Land of Blood and Honey)


USA / 2012

22.02.2012
 



DESTINS VIOLÉS





On l’attendait au tournant. Forcément. Car quand on s’appelle Angelina Jolie (compagne de Brad Pitt, ambassadrice pour le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) et, accessoirement, icône glamour du cinéma Hollywoodien) et que l’on décide de réaliser son tout premier film sur la guerre civile qui aura ravagé la Bosnie-Herzégovine au début des années 90, c’est prendre un risque. Un vrai.
Visiblement la réalisatrice en herbe n’en a cure. Et de ce point de vue, elle a raison. Question de tempérament, de caractère. D’honnêteté également. Au pays du sang et du miel respire la sincérité dans une approche sans concession ou le moindre effet est fui comme la peste. Du casting orphelin de stars au choix de la langue – l’anglais n’aura pas été retenu – aucune place n’est laissée à la facilité. Dès lors, il n’est pas surprenant de ne pas retrouver la belle devant la caméra. Ainsi libérée, Angelina Jolie, comme investit d’un devoir de mémoire universel, n’occulte rien et montre tout. Sans retenue. Des exactions aux viols en passant par les charniers de cette guerre inter-ethnique et religieuse.

Pour autant, n’attendez pas du conflit qu’il soit abordé d’un point de vue politico-historique. Comme souvent dans le cinéma Hollywoodien, celui-ci sera narré par le biais d’une romance impossible, vouée à l’échec, entre un policier serbe et une artiste peintre bosniaque. L’évolution chaotique de cet amour contrarié conditionne, pour ainsi dire, les enjeux d’une guerre comprimée entre la barbarie aveugle et l’espérance folle d’un dépassement illusoire. L’équilibre est précaire, chahuté constamment par une lecture sans doute trop basique – mais pas forcément manichéenne – entre le tortionnaire serbe amoureux et l’amoureuse bosniaque à la limite du déni. Si la réalisatrice prend son temps, étire son récit et décide de lui donner une substance presque romanesque, elle le noie également dans une redondance usitée à l’envie, sacrifiant, de fait, l’extrême tension d’une situation aussi paradoxale. Contrairement au film de Verhoeven, Black Book, nous ne sentons jamais le poids d’une histoire incontrôlable se jouer des corps, des sentiments et des âmes de nos deux amants.

L’intimité des corps dans ce rapport bourreau-victime devient l’axe principal d’un conflit réduit aux scènes chocs, alternance visuelle forte mais narrativement pauvre. Les unités de temps, de lieu et d’action s’égrènent comme une évidence pour la réalisatrice. Pas pour le spectateur. Normal, elles sont dénuées de toute précision. Les faits l’emportent. Soit. Mais pour signifier quoi au juste ? Une dénonciation, une accusation, un devoir de mémoire, un cri sourd rendu atone par tout ce sang versé ? Il fallait oser. Alors bravo. Mais la surdramatisation de certaines scènes réduit, en quelques plans, les efforts de la jeune réalisatrice. Dommage. Tout comme de faire du soldat serbe un gradé, fils du général en chef et clone cinématographique de Ratko Mladić. Leur relation, mal écrite, est survolée et n’apporte rien à la grande histoire en termes d’enjeux. Un coup dans l’eau.

Reste l’histoire d’amour. Angelina Jolie prend soin de son héroïne, lui donne corps, entre fêlures, fragilité, doute, espérance et résignation. Tout comme Dandjel, qui hésite à infliger la mort, protège sa bien-aimée quitte à subir la contestation de ses propres soldats. Dans l’intimité d’une chambre, la petite histoire vient au secours de la grande, effleure le concept universel du beau (Ajla est une artiste-peintre) dans un monde dominé par le chaos et la peur. Le dernier plan réunissant Ajla et Dandjel n’est pas dupe, ni de circonstance. Il est juste logique. Pompeux, certes, mais logique. Angelina Jolie vient de réaliser un film bancal, parfois grossier mais courageux, sincère et, une fois n’est pas coutume, pas si Hollywoodien que cela.
 
geoffroy

 
 
 
 

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