Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Dark Horse


USA / 2011

29.08.2012
 



BIENVENUE DANS UN MONDE INGRAT





"- Les gens doivent affronter la vérité.
- Quelle vérité?
- Les gens sont des sales cons."

Avec Todd Solondz, les moments les plus banals sont toujours décalés. Comme si sa caméra se posait dans un autre coin de la salle, révélant ce que les autres ne voient pas. Dès le début de Dark Horse, il y a cette scène de mariage. Passons sur le fait que la musique presque techno n'est pas très convenue pour ce genre d'événements, ce qui intéresse Solondz ce ne sont pas tous ceux qui s'éclatent, mais les deux associables qui restent assis à leur table. Un "loser" total, victime de surpoids, dépressif, spontané, naïf, adulte au comportement adolescent, vivant encore chez ses parents. Et une jolie femme, assommée de médocs, névrosée existentielle, entre vie anesthésiée et mort en attente, clairvoyante, vivant aussi chez ses parents. Les deux couples de parents ne sont pas en reste : l'ennui règne dans les foyers. Un ennui mortifère.

Dark Horse est une nouvelle pièce du puzzle de Solondz : un portrait acide et caustique de l'Amérique, celle qui oppose la norme des classes moyennes robotisées par le système et celle des rêveurs, des marginalisés, des révoltés passifs. A l'instar de l'excentricité de John Waters ou de la poésie mélancolique et cocasse de Wes Anderson, Solondz aime insuffler de la dérision et de la légèreté dans ses tragédies. Le destin de son "héros" aura beau être digne d'un mélodrame sans issue (le cumul des tares n'est pas interdit par la loi de l'emmerdement maximum), le spectateur continuera de sourire, en coin.

Car malgré l'aspect pathétique des individus et la tristesse de leur vie, Solondz parvient à installer un univers coloré, presque daté, aussi stylisé qu'un film de Kaurismaki ou des Coen, et un humour noir, et même, parfois glacial. La psychologie barrée (mais normée) des personnages ajoutent de la couleur à cette chronique jaunâtre (entre hépatite et rire). Fin observateur des comportements de ses concitoyens, Solondz s'en moque sans aucune méchanceté, les tournent en ridicule sans jamais les humilier.Il y a une véritable empathie dans son cinéma. Même s'il doit détester cette Amérique sans culture ni bon goût, prisonnière de son politiquement correct, devant se justifier à chaque fois que l'on s'écarte de l'opinion dominante

C'est l'inadaptation des êtres qui le fascine, rend son cinéma humain, et attachant. Mais il ne cherche pas embellir son histoire, à sauver son antihéros, ni même à finir dans le bonheur. La voie est sans issue. On ne peut pas rester assis à regarder la télé ou lire les journaux et changer sa vision de la vie. La souffrance humaine est sa matière, il la met en scène, à nue, et la torture avec des chansons de variété inaudibles et des couleurs primaires un peu criardes. Il y aura bien un baiser ("pas atroce, ça aurait pu être pire") mais la joie de vivre est absente. Il faut les rêvasseries, sorte d'absences comateuses, du fils-à-maman pour nous entraîner dans une série d'hallucinations qui évadent le film vers une vie fantasmée. Au risque de déséquilibrer le récit.

D'inégalités en injustices, le cinéaste démontre l'irresponsabilité d'une génération et la lâcheté de celle qui suit. Un tableau peu glorieux sur les conséquences de l'insuffisance socio-affective. Devant tout ce gâchis - la vie c'est un ticket sans crédit, sans échange, sans remboursement - il préfère anéantir tout espoir de rémission.

La joliesse de l'écriture n'empêchera pas une fin cynique et le sauvetage du seul personnage bon et honnête du film. L'autre canard noir, belle comme un cygne.
 
vincy

 
 
 
 

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