Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



Ailleurs
Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary
Effacer l'historique
Ema
Enorme
La daronne
Lux Æterna
Peninsula
Petit pays
Rocks
Tenet
Un pays qui se tient sage



J'ai perdu mon corps
Les misérables
The Irishman
Marriage Story
Les filles du Docteur March
L'extraordinaire voyage de Marona
1917
Jojo Rabbit
L'odyssée de Choum
La dernière vie de Simon
Notre-Dame du Nil
Uncut Gems
Un divan à Tunis
Le cas Richard Jewell
Dark Waters
La communion



Les deux papes
Les siffleurs
Les enfants du temps
Je ne rêve que de vous
La Llorana
Scandale
Bad Boys For Life
Cuban Network
La Voie de la justice
Les traducteurs
Revenir
Un jour si blanc
Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn
La fille au bracelet
Jinpa, un conte tibétain
L'appel de la forêt
Lettre à Franco
Wet Season
Judy
Lara Jenkins
En avant
De Gaulle






 (c) Ecran Noir 96 - 24


  



Donnez votre avis...


Nombre de votes : 29

 
Le Jour des Corneilles


France / 2012

24.10.2012
 



COURGE OU L'INNOCENCE PERSÉCUTÉE





«- J’ai vu une bizarrerie maximalement bizarre ! »

L’animation française est étonnante. Aussi bien dans ses propositions narratives – sa qualité première – que, désormais, par sa maîtrise technique. Et c’est tant mieux ! Car passer d’une production rachitique dans les années 90 (moins de dix films) à plus de 40 longs-métrages au cours de la période 2000-2010, démontre le renouveau d’un genre servi par un savoir-faire reconnu mondialement. Mise à part quelques longs-métrages calibrés « grand public » (on pense à la trilogie de Besson Arthur et les Minimoys ou au film de Bergeron Un monstre à Paris), la plupart des œuvres proposées respirent une authenticité créative incontestable, signés par de véritables auteurs. Voilà, peut-être, la spécificité d’un cinéma d’animation riche en talent capable de proposer des films aussi singuliers que Mia et le Migou (Girerd, 2008), l’Illusionniste (Chomet, 2010), le Chat du Rabbin (Sfar & Delesvaux, 2011), le Tableau (Laguionie, 2011), Zarafa (Bezançon & Lie, 2012) ou, film qui nous intéresse ici, le Jour des Corneilles.

Récit naturaliste réalisé par Jean-Christophe Dessaint (dont c’est le premier long comme réalisateur), le Jour des Corneilles s’inscrit dans la plus pure tradition des contes pour enfants avec son histoire d’ogre imaginaire élevant, au cœur d’une forêt mystérieuse peuplée d’esprits, un enfant sauvageon appelé fils. Classique. Mais réussit. D’autant que le réalisateur a eu la bonne idée d’inversé les repères habituels des contes horrifiques pour faire du monde des hommes celui du danger, de l’étrangeté, de l’inconnu, de la découverte. Courge, l’enfant des bois, a peur du monde extérieur. Son père, un rustre colérique, lui interdit toute excursion en dehors de la forêt en affirmant qu’aller au-delà de la lisière c’est mourir à coup sûr. Mais Courge est curieux, comme attiré par cette étendue ouverte sur le ciel. En bravant l’interdit paternel, il passe de l’ombre à la lumière, change de monde mais pas forcément de regard. S’ensuit une quête identitaire rocambolesque, enlevée, drôle, émouvante. Même si sa conclusion dans son explication casse un peu le mystère d’une histoire féerique à bien des égards.

De fait, l’incursion par-delà la forêt ne sera pas sans conséquence. Pour le jeune Courge – qui rencontrera la pétillante Manon, jeune fille du docteur –, comme pour son père. Leur destin est lié. Lié à cette forêt et à ce village si longtemps caché par un père dur devenu insensible à la chaleur humaine. Fort de sa thématique principale, le film développe plusieurs sous-thématiques qui lui sont indissociables. Au point de rendre tangible – dans sa mise en action – les sentiments qui assaillent de toute part le jeune Courge. S’il découvre de nouvelles sensations (s’habiller, manger avec des couverts, discuter au clair de lune avec la belle Manon, dormir dans des draps, ne pas tuer des animaux pour le plaisir, ressentir de l’affection, de l’amour, de la tendresse…), il refuse cette accession au bonheur simple tant que son père n’aura pas (re)trouvé l’amour et la paix intérieure. Il servira, jusqu’à la fin, de trait d’union dynamique au moteur romanesque d’une histoire conçue sur un mode de représentation où cohabitent deux mondes (forêt-village ; ombre-lumière ; barbarie-civilisation ; rêve-réalité ; père-fils).

Au-delà de la lecture proposée par le cinéaste, Le Jour des Corneilles vaut surtout le détour dans son approche graphique. Le film est de toute beauté. Il se compose, dans un savant mélange de dessins peints au fusain, d’effet de lumières saisissant, de paysages posés et d’animation fluide, coulée, très réaliste avec les personnages représentés. L’immersion est immédiate, presque magique. Un peu à la façon d’un Miyazaki, la poésie demeure. Car sous ses aspects simplistes, le destin du jeune sauvageon Courge demeure implacable, inévitable, à la fois identitaire, affectif, tragique, terriblement humain. Reste le casting vocal. Il frise le sans-faute. La voix rocailleuse et profonde d’un Jean Reno répond à celle, beaucoup plus candide, de Lorànt Deutsch.
L’alchimie fait mouche. Tout comme l’idée, géniale, d’avoir engagé le regretté Claude Chabrol afin qu’il prête sa voix si particulière au bon docteur.
 
geoffroy

 
 
 
 

haut