Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Dead Man Talking


Belgique / 2012

27.03.2013
 



UN CONDAMNÉ A MORT S'EST RACONTÉ





"- Personne n’est venu à votre exécution, comment ça se fait ?
- Personne n’est venu à ton anniversaire, comment ça se fait ?
- J’en aurai d’autres."

Il n’y a que le cinéma belge pour oser une comédie sur la peine de mort et en faire un film réussi. A cheval entre mélodrame et humour noir, certes, mais qui parvient malgré tout à emporter le spectateur dans son univers sans lui donner l’impression d’être pris en otage. Cela tient d’abord à l’ambiance, sombre et presque crépusculaire. Dans cette prison désaffectée et minable, tout est si délabré et sinistre que cela en devient redondant, et donc drôle.

Les seconds rôles y sont également pour beaucoup : amoureusement ciselés, ils font entrer dans la salle d’exécution, lieu terrible par excellence, comme un souffle de légèreté, de dérision et de liberté. Il y a le directeur de la prison, représentant brutal d’une autorité aveugle, indélicat à l’extrême, incarné avec une froideur délicieuse par François Berléand ; le vieux curé que l’on croirait un peu gâteux, pas trop concerné, mais dont émane une bonté inébranlable ; la vieille infirmière sourde, l’ancien bourreau sentimental, la fille du directeur mutine et vulnérable… A chaque fois, le trait est si forcé que c’en est par contraste irrésistible.

Tous ces personnages fantasques détournent par ailleurs l’attention du condamné lui-même, dont il est plus difficile de rire. On ne rira donc pas de lui, mais avec lui, quand il manipule son entourage et profite de la situation, ou lorsqu’il balance ses petites remarques assassines et cinglantes. Lorsque le seul avenir qui vous reste, c’est la mort, le cynisme et la causticité deviennent une seconde nature.

Par ailleurs, c’est également de lui que vient toute l’émotion véhiculée par le film. Mais attention : ce qui émeut véritablement le spectateur, ce n’est pas tant qu’il soit condamné à mort, mais qu’il ait auparavant connu un destin tragique. Enfant maltraité, adulte malmené, il apparaît comme un être à qui la vie n’a jamais fait de cadeau, pauvre petit fétu de paille bousculé par les éléments. Un vrai personnage tragique, de cette tragédie ironique qui n’a rien de noble ou de grand, mais correspond juste à un immense manque de bol. Pas facile de se débrouiller avec un tel antihéros sans tomber dans l’angélisme, et pourtant Patrick Ridremont y parvient en équilibrant résolument tous les aspects positifs par des facettes plus troubles. L’homme qu’il incarne s’avère ainsi ambigu et complexe : à la fois misérable et inquiétant, touchant et apparemment capable de tout.

L’autre excellente idée majeure du film, c’est d’avoir transformé ce drame personnel en show télévisé téléguidé par le pouvoir politique. Tout de suite, le spectateur se retrouve en terrain connu : téléréalité poussée à l’extrême et cynisme sans fond du monde politique. Le pire de tout, c’est que tout est crédible, à l’exception peut-être (et encore) de l’incommensurable stupidité du candidat. Virginie Efira, elle, est impeccable en conseillère en communication perfide et opportuniste pour qui la fin justifie les moyens, quels qu’ils soient.

Avec un tel sens des situations, le cinéaste construit un récit gonflé et parfois sur le fil dont chaque ressort fonctionne à plein régime. Sans cesse dérouté, le spectateur n’a pas le temps de s’interroger sur ce qu’il voit : fable humaniste brutale ? délire cynique ? virulente critique sociale ? Tout cela à la fois, sans doute. Mais, et c’est probablement ce qui importe le plus, objet cinématographique singulier et fort, à la personnalité bien trempée, et qui transcende son sujet (casse-gueule) pour livrer un instantané savoureux du monde dans lequel il a été imaginé.
 
MpM

 
 
 
 

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