Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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L'amour est un crime parfait


France / 2013

15.01.2014
 



SANG D’ENCRE





« On ne se méfie jamais assez des femmes. »

Le crime et la passion, belles promesses de cinéma. Les frères Larrieu s’aventurent dans le polar, n’oubliant pas le souffre de leur étude de mœurs qui sert de fil conducteur à leur œuvre. La musique du film intrigante et séduisante, l’image élégante, le montage fluide façonnent cette histoire étrange : l’Amour est un crime parfait est à ce titre leur film la plus maîtrisée techniquement.

Las, le découpage est lent et appuie trop souvent sur le rapport de l’homme à son environnement (ici les paysages montagnards), nous imposant la contemplation répétitive de panoramas, certes sublimes, mais empêchant un quelconque élan romanesque, une quelconque tension psychologique.

Ce parcours sinueux, à l’image de cette route qui relie la « ville » au chalet (lieu isolé qui cachent un traumatisme enfoui), nous égare à plusieurs moments. Les Larrieu, en flirtant du côté de Téchiné (le criminel face à ses responsabilités, thématique récurrente), en ont pris le pire et le meilleur. Comme le personnage d’Amalric, nous voici piégés dans un film qui aurait du nous étreindre et qui relâche trop souvent son envie de nous embrasser.

Amalric (impeccable) est un professeur de littérature, un homme faible qui ne vit que de citations de grands écrivains et de moments solitaires face à des majestueux paysages. « Le fumeur cherche l’unité de lui-même dans le paysage » dit-il en citant André Breton. Voilà qui le résume très bien. Dans l’animalerie des Larrieu, il est le Loup. Ils apparaissent à l’écran quand son inconscient travaille à sa place, entre ses pulsions (qu’il oublie) et son aspiration à dire la vérité. Le loup, l’homme, la nuit : le film file la parfaite parabole du Loup-garou.

Trois femmes, les trois grâces ou les trois garces. Trois corbeaux qui se posent sur son panorama quand il médite (« le paysage c’est soi »). Trois caractères très différents, trois désirs contradictoires. La sœur (Karin Viard qu’on a connu mieux inspirée), fusionnelle, possessive et incestueuse, menthe religieuse, qui semble le connaître parfaitement, et cherche à le garder dans leur « tanière ».
L’amante (Maïwenn, fascinante), lionne ou renarde solitaire, qui joue de mystères, et cherche à le pousser au bord du gouffre.
L’amoureuse (Sara Forestier, qui hérite d’un rôle assez ingrat), pas loin de la hyène, allumeuse et passionnelle, qui sera son garde-fou autant que celle qui le rend fou.

Tout cela s’analyse très bien, mais s’articule difficilement. Le crime et la littérature, le sang et l’encre, ne se marient pas avec évidence. Les dialogues sont souvent trop faciles à décrypter (« Vous êtes votre propre ennemi ») enlevant une grande partie de suspens, quand ils ne sont pas pesants (« J’ai une faim de loup », pour bien nous expliquer l’animal qui sommeille en lui).
De cette double vie, de ces passions dévorantes, les Larrieu ne réussissent pas à filmer leur sens caché, s’obligeant au didactisme permanent (jusqu’à montrer un film de Bunuel pour bien nous aiguiller sur le sens de leur propos). Histoire de refoulement (le personnage d’Amalric l’avoue lui-même), L’amour est un crime parfait, arme à double tranchant, aurait justement du apprendre la leçon de Bunuel : l’image seule peut suffire. Un sourire d’Amalric en dit plus long sur son côté prédateur. L’hiver qui n’en finit pas n’a pas besoin qu’on nous ressasse en permanence l’attente impatiente du printemps.

Evidemment, la perversité narcissique des quatre personnages provoque une mise en abime de l’âme humaine, perdue entre ses désirs et les règles de la société, entre la nature, où l’animal qui sommeille en nous se sent libre, et les architectures bien étudiées (magnifiques décors) qui nous ramènent à notre condition humaine asservie. Le sexe dirige le monde comme il peut le détruire : les femmes ici, sauf une peut-être, sont la perte de l’homme.
Ce film aurait du nous hypnotiser par les états seconds de chaque personnage, schizophrène ou bipolaire. Mais la construction confuse du récit nous laisse sur le chemin balisé quand l’histoire, de son côté, se déroule hors-piste.
 
vincy

 
 
 
 

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