Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Aimer, boire et chanter


France / 2014

26.03.2014
 



GEORGE’S FRIENDS





«- Un flirt sérieux, c’est un oxymore, non ? »

Le film apparaîtra forcément comme l’œuvre testamentaire d’Alain Resnais. Et même si nous l’avons vue avant le décès du réalisateur, Aimer, Boire et Chanter a tout d’une épitaphe sous forme de slogan. Un hymne à la vie et ses petites complications. Derrière ce titre « joyeux », pourtant, la morale est bien conservatrice et les personnages, ex-baby boomers bourgeois coupés du monde réel, ne sont pas forcément sympathiques.

Ce vaudeville d’un autre temps est formellement audacieux, cinématographiquement ennuyeux et finalement très snob. La mise en scène de Resnais continue de s’amuser toute seule avec des astuces : insertion de dessins pour illustrer le changement de lieux, fond d’écran de BD pour quelques monologues (le visage apparaît alors dans une bizarre surimpression), décors dessinés (peuplés de quelques meubles), cartons comme dans les films muets, sans oublier l’affreuse fausse taupe animatronique… Une sorte d’épure surchargée par un graphisme finalement assez laid. Cela donne un film très théâtral à l’instar de son dernier opus, Vous n’avez encore rien vu. S’y ajoute la mise en abyme de la répétition d’une pièce « amateure » par les protagonistes. Là encore, Resnais fait de son film un théâtre où la comédie humaine s’ébroue dans un cadre formaté et claustrophobique. Nul ciel, pas même de vent. Le monde est immobile et les humains n’ont rien d‘autre à vivre que leur rapport à l’autre.

Œuvre hybride, l’expérience n’est pas très heureuse. Trop de style et aucune substance. Tout est artificielle jusqu’à ces comédiens français, qui jouent en français, à la manière de la comédie française, avec des prénoms anglais. La trame narrative est peu captivante, avec ses grosses ficelles et son déroulé très prévisible. L’humour ne fonctionne pas. Même le comique de répétition ne fonctionne pas, trop appuyé, trop anticipé. L’hystérie lasse. Les rivalités féminines et les comportements masculins sont manichéens. Ces cartes vermeille qui se croient encore ados seraient pathétiques s’ils n’étaient pas à ce point immatures. Les inquiétudes et petits drames personnels semblent désuets et sans intérêts. On est loin des Herbes folles, Smocking/No Smocking ou On connaît la chanson, bien plus subtils et contemporains. Certes, Vuillermoz et Kiberlain apportent de la fraîcheur à la troupe un peu usée de Resnais (notons la réplique cruelle de Kiberlain sur le personnage d’Azéma : « elle ne pouvait jouer qu’elle-même »). Mais ces couples en crise paraissent barboter dans un exercice de style rébarbatif.

C’est d’autant plus paradoxal que Resnais veut nous offrir un film moderne. Or, Aimer Boire et Chanter apparaît comme ringard. Un film entre soi, réservé à des initiés, qui se meut lentement à travers des bavardages proches d’une sitcom. C’est sans doute voulu. Mais comme le dit l’un des personnages, « on n’est pas au théâtre ! ». Hélas, le théâtre est un spectacle vivant et ici le cinéma est un spectacle mortifère. Un cinéma immobile, où les pantins sont assis ou debout, rarement en mouvement. Il faut tout le génie du cadrage et du montage de Resnais pour nous conduire jusqu’au bout du chemin. Il faut s’intéresser au hors-champs pour que l’action, en creux, prenne du relief.

Mais avec une psychologie à deux sous, des dilemmes à deux cents, Resnais est comme le fameux George sur le point de mourir, celui qu’on ne voit jamais : il manipule son entourage, veut rester jeune et vivace et tout respire la maison de retraite.
Finalement, ce film esthétiquement peu séduisant, cet enterrement superficiel d’un Maître qui essaie d’être encore divertissant parvient à une énigme paradoxale. Aimer boire et chanter ne transmets aucune joie. Comme une dent cariée, l’œuvre est dévitalisée. Inerte. Déjà morte.
 
vincy

 
 
 
 

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