Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



Ailleurs
Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary
Effacer l'historique
Ema
Enorme
La daronne
Lux Æterna
Peninsula
Petit pays
Rocks
Tenet
Un pays qui se tient sage



J'ai perdu mon corps
Les misérables
The Irishman
Marriage Story
Les filles du Docteur March
L'extraordinaire voyage de Marona
1917
Jojo Rabbit
L'odyssée de Choum
La dernière vie de Simon
Notre-Dame du Nil
Uncut Gems
Un divan à Tunis
Le cas Richard Jewell
Dark Waters
La communion



Les deux papes
Les siffleurs
Les enfants du temps
Je ne rêve que de vous
La Llorana
Scandale
Bad Boys For Life
Cuban Network
La Voie de la justice
Les traducteurs
Revenir
Un jour si blanc
Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn
La fille au bracelet
Jinpa, un conte tibétain
L'appel de la forêt
Lettre à Franco
Wet Season
Judy
Lara Jenkins
En avant
De Gaulle






 (c) Ecran Noir 96 - 24


  



Donnez votre avis...


Nombre de votes : 16

 
L'armée du salut


France / 2013

07.05.2014
 



MÉLANCOLIE ARABE





L’Armée du salut. Un livre. Un film. L’histoire de son auteur, qui n’a laissé personne d’autre la transposer sur grand écran. Il y a évidemment l’homosexualité du personnage, trouble. L’amour du grand frère, celui dont on respire les draps et les sous-vêtements. L’envie du plaisir, du sexe, dans des lieux pas forcément rutilants, avec des hommes d’un certain âge, marocains ou occidentaux. Il y a surtout l’exclusion de ce fils pas comme les autres. Interdit chez les femmes pendant le repas. Interdit d’aimer librement, gratuitement. Etre pute c’est toléré. Etre amant l’est moins.

Le salut viendra de son frère, évidemment, qui l’incite à apprendre le français. Puis d’un professeur suisse, comme une continuité où l’éducation permet l’émancipation. Entre les deux, un carton simple, « dix ans après ». Abdellah Taïa raconte son adolescence puis sa jeunesse, le Maroc et la Suisse, le confort familial (malgré ses drames) et l’insécurité d’un immigré en occident. Il n’est jamais vraiment chez lui. Il aimerait. S’intégrer, aimer, ne pas être moqué voire méprisé.
Tout cela, nous le comprenons par petites touches : des scènes qui se juxtaposent, sans didactisme. A nous de faire le lien entre ces souvenirs, ces descriptions, ce qu’il s’y dit, souvent de manière banale. Parfois les ellipses, fréquentes, nous perdent. La psychologie d’Abdallah est moins facile à cerner. Comme s’il se désincarnait. Comme si le cinéaste n’osait pas filmer son intimité, ses tourments. Il se transforme en fantôme errant dans les rues de Genève, après avoir été complètement abandonné par les siens. Cette solitude est poignante. Mais là aussi le réalisateur n’ose pas aller vers les grandes émotions, n’assume pas le drame. A l’instar de cette conversation explicative et inexpliquée entre lui et son ancien amant, largué avec une lettre dont on ne connaîtra aucun des motifs.

L’absence d’enjeu, de dramaturgie dans le récit n’empêche pas de peindre de manière impressionniste une tragédie individuelle. L’Armée du salut aurait pu s’autoriser quelques scènes supplémentaires, une fin moins abrupte, davantage de sensualité que d’âpreté. Cependant, Taïa préfère ne rien concéder à son histoire douloureuse, à son parcours autodidacte. Il opte pour un personnage qui a été balloté par les vagues de la vie (l’eau est d’ailleurs omniprésente : douche, mer, pluie…), jusqu’à s’échouer parmi les paumés sur le rivage. La suite, c’est le succès du jeune homme dans le monde littéraire et journalistique parisien. Mais le film n’en montre rien. Il ne révèle que les racines abîmées d’un homme fier qui a affronté son destin sans jamais se renier. Une œuvre mélancolique, à l’image du regard de son auteur.
 
vincy

 
 
 
 

haut