Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Jersey Boys


USA / 2014

18.06.2014
 



BIG BOYS DON’T CRY





"Travaille dur et le reste viendra tout seul."

Clint Eastwood revenant à la réalisation avec une comédie musicale qui a triomphé à Broadway et qui raconte la naissance, l’ascension et la chute du groupe The four seasons, l’idée peut surprendre. Pourtant, le cinéaste parvient à insuffler à cette histoire d’adolescents en quête de gloire exactement ce qui imprègne la majeure partie de sa filmographie : une masculinité décontractée où l’amitié virile le dispute à une compétition permanente pour savoir qui est le mâle dominant. A la différence près qu’il le fait avec une certaine malice, filmant les rapports mouvementés des différents protagonistes à travers de petits détails savoureux (la scène des clefs de voiture qui révèle le paternalisme de Tommy à l’égard de Franckie, la première rencontre avec Bob Gaudio qui annonce la volonté de contrôle absolu de Tommy, etc. ) plutôt qu’à grands traits édifiants.

Clint Eastwood s’est-il identifié à Gyp, incarné par Christopher Walken, le vieux mafieux moqueur qui règle avec bonhommie les querelles des plus jeunes ? Ou a-t-il au contraire retrouvé des images de sa jeunesse dans l'insupportable Tommy, le naïf Bob, le taciturne Nicky, le loyal Frankie ? C'est en tout cas par ce prisme que le film apparaît sous son jour le plus intéressant. Plus en tout cas que pour son histoire (ultra-classique) de grandeur et décadence au pays du show business. Après tout, n'a-t-il pas connu lui aussi une telle destinée ? Acteur adulé, puis jugé ringard, revenu triomphalement en tant que réalisateur de premier plan ?

Peut-être est-ce pour cela qu’il porte sur son récit un regard espiègle, dont la lueur amusée transparaît dans le ton ultra léger des scènes les plus dramatiques : un casse raté qui tourne à la blague potache, un règlement de comptes sérieux qui dérive sur des détails triviaux, le culte de l'amitié prenant chevaleresquement le pas sur le désir de vengeance... Certaines références semblent même être là comme des manifestations d'autodérision de la part du réalisateur, comme les propos misogynes de Tommy (et sa topologie binaire des femmes), les allusions pudiques à une homosexualité forcément atypique ou l’analyse comparée du titre Walk like a man.

L'envie de s'amuser

Lorsque les acteurs s'adressent directement à la caméra pour commenter une scène ou donner leur propre version d'une anecdote, on a au fond l'impression que c'est Clint Eastwood lui-même qui parle au spectateur. Surtout quand Tommy fait remarquer que "chacun a les souvenirs qui l'arrangent", et donnent de soi l’image la plus flatteuse… Mais c’est encore plus flagrant avec la mélancolie ténue qui touche Franckie, dont le meilleur souvenir reste pour toujours celui de la première rencontre, quand tout restait encore à inventer. Clint Eastwood, 84 ans, serait-il nostalgique de ses débuts (dans la série Rawhide, notamment, qui apparaît justement brièvement dans le film) ? Mais qui ne le serait pas ? Cette période de la vie, où la vie n’a pas encore commencé, est celle des espoirs les plus fous et des rêves les plus intenses.

De là à voir dans Jersey boys un film testament, il y a malgré tout un pas à ne pas franchir trop vite, tant Eastwood ne semble pas prêt à se laisser enterrer (surtout que pour le moment, c’est encore lui qui tient le revolver). En revanche, si l’on regarde de plus près ses choix formels, on a la nette impression qu'il a désormais surtout envie de s’amuser. Certes, la mise en scène est ultra classique, l’image patinée (pour faire 60’s), le ton suranné (pour coller à l’humour de l’époque), mais les différentes séquences musicales et surtout la chorégraphie finale sont révélatrices d’une liberté de ton inhabituelle chez le cinéaste. Il n’a plus rien à prouver, il le sait, et il semble bien décidé à profiter de cette nouvelle saison cinématographique qui s’offre à lui.
 
MpM

 
 
 
 

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