Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Kumbh Mela, sur les rives du fleuve sacré


France / 2013

30.07.2014
 



LE GRAND BAIN





« Aujourd’hui seuls le sexe, l’argent et la jeunesse comptent. »

Avec Kumbh Mela (littéralement la cruche emplie du nectar du fleuve Mela), Pan Nalin revient au documentaire, qui ici a davantage des allures de long reportage. Le réalisateur de Samsara continue d’explorer les petites facettes de la spiritualité dans un monde en mutation. Dans une Inde qui n’a rien de glamour, il suit le plus grand pèlerinage religieux au monde, sur les rives du Gange, où 70 millions de personnes partageant la même foi s’entassent durant 55 jours dans un gigantesque campement éphémère aux confluents de trois rivières.
Le film ne s’intéresse qu’à ces indiens venus ici pour communier avec leur Dieu ou pour faire vivre cette immense mégapole provisoire. Du policier se rasant à l’homme pieu expert en yoga, en passant par une famille ayant perdu l’un de ses enfants, un gamin fugueur et débrouillard, ou des Sadhus très bavards, la caméra sillonne les camps, comme une errance sans but.

Pan Nalin veut à la fois nous faire découvrir un événement de masse et lui donner des visages repérables, enregistrer un phénomène rare (il n’a lieu que tous les douze ans car les eaux qui se mélangent ne sont sacrées qu’à ce moment-là) tout en collant au plus près d’une réalité (souvent douloureuse). Ainsi se succèdent des scènes de vie, des corps, des gestes, des paroles qui animent et banalisent un acte sacré : se baigner dans cette eau verte artichaut.
Sectes, castes, clans : l’Inde semblerait presque unifiée. Sans doute l’abus de marijuana (« Dieu a créé le ganja, l’homme a créé l’alcool : à qui tu fais confiance ? »).

Pourtant le film est morcelé. Les personnages font leur vie chacun de leur côté. Et le réalisateur préfère suivre un gosse qui se balade des uns aux autres, sans doute pour créer un lien qui n’existe pas dans le réel, que de s’attarder sur les aspects les plus dramatiques de son récit (un enfant kidnappé, un époux disparu, au total 135 000 personnes ne sont jamais retrouvées) qui fournissent les séquences les plus poignantes.

Et ce qu’on retient c’est une tristesse qui se cache mal derrière les yeux des enfants, l’apparente sagesse des adeptes nonchalants et hors du monde, le stress de ceux qui doivent gérer ce magma de gens paumés dans ce grand bazar.
L’image, écrasé de chaleur, terne, n’esthétise rien. La réalité n’est pas belle. Le sacré ne peut être qu’individuel, intime, caché. Invisible par conséquent. Nalin en a bien conscience. Il refuse d’ailleurs toute pédagogie ou didactisme. On ne sait donc pas comment interpréter, autrement que par notre point de vue, des dialogues qui peuvent apparaître drôles ou sages, selon le décalage.

Dans ce grand méli mélo au bord du Mela, on cherche le sens de tout ce rassemblement. Le cinéaste refuse de donner une réponse, choisissant une abscisse et une ordonnée simple : son petit Mowgli qui veut grandir et un vieux sage qui veut transmettre. Les deux ne se croisent jamais, ce qui enlève toute ambition cartésienne à la narration. Par certains moments, c’est fascinant. Mais le plus souvent, on reste à l’écart de cette épopée immobile. On s’interroge juste sur ce pèlerinage de masse dont l’aspect sacré est censé épargner les destins et qui, rattrapé par la réalité, cumule les tragédies.

En étant trop contorsionniste, Kumbh Mela oublie sa colonne vertébrale et ses articulations, éléments indispensables pour que le documentaire prenne de l’épaisseur d’un point de vue cinématographique. Reste un sujet passionnant, quelques témoignages précieux et un dépaysement assuré.
 
vincy

 
 
 
 

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