Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Shirley, un voyage dans la peinture d'Edward Hopper (Shirley: Visions of Reality)


/ 2013

17.09.2014
 



INTÉRIEURS EN ÉTÉ





«- Elle se prépare pour la scène suivante dans le rôle de la secrétaire.»

Shirley est par définition un film expérimental puisqu’il mixe les arts plastiques et le cinéma. En nous racontant trois histoires parallèles dans chacun des treize séquences, le film est bien une œuvre dramatique au sens classique du terme. Chaque séquence est introduite par le contexte de l’époque à travers des flash-infos radiophoniques, déroule les évolutions des combats politiques au fil des décennies (la seconde guerre mondiale, McCarthy, Martin Luther King) et révèle les pensées intimes, mélancoliques, les doutes et les réflexions de Shirley, actrice de théâtre en manque de rôles, mariée à un journaliste-photographe. Elle seule parle dans le film. En voix off le plus souvent.

Pour lier ces scènes presque abstraites, dont le fil conducteur est une date (du 28 août 1931 au 28 août 1963), le cinéaste Gustav Deutsch plonge son récit et ses personnages dans les tableaux d’Edward Hopper. Des tableaux en mouvements. Treize peintures du grand artiste américain, qui a influencé par ses jeux de lumière et son épure des cinéastes de toutes les générations depuis Hitchcock jusqu’à Lynch, prennent vie devant nos yeux. Esthétiquement, c’est sublime. Cinématographiquement, c’est fascinant. Artistiquement, c’est brillant (décorateur, directeur de la photo, costumier sont à honorer).

Il en résulte un film conceptuel dès le premier plan. De Paris à Cap Code en passant par New York, avec une palette chromatique sublime, on repère à un moment donné le tableau que l’on connaît par cœur (Hopper est l’un des peintres dont les toiles sont le plus déclinées en produits dérivés). Chaque tableau inspire une histoire, et l’ensemble de l’œuvre picturale forme un récit imaginaire. L’histoire d’une femme, qui ne vieillit pas malgré les décennies qui défilent, cherchant sa voie, entre son appartement, une salle de cinéma, un hall d’hôtel, un train ou encore un bureau ou une résidence secondaire. Une femme malheureuse et idéaliste dans un univers où les hommes sont des figurants encombrants et la société un bouillon de colère.

Mélancolique à l’excès, froid à l’extrême, le film est aussi distant qu’intellectuel. On y lit Platon, on va voir Une aussi longue absence d’Henri Colpi (scénario de Marguerite Duras), on écoute John Cage. On entend "Trois petites notes de musique" ou le "I Have a Dream" de Luther King. On cite Bergman qui tend un miroir au film avec son film Le visage : L'art est mensonge, illusion.

Car c’est bien une mise en abyme que nous propose le réalisateur de Shirley. Un film qui pourrait être projeté dans un musée. Une œuvre érotique frigide. Une compilation qui rassemble les grands moments d’une époque. Le portrait d’une actrice qui se métamorphose dans l’immuabilité. Une ode à la tristesse et un reflet parfait de l’ennui. Gustav Deutsch enrichit son film avec trop d’idées, sans provoquer la moindre émotion, tout en nous hypnotisant avec une beauté formelle irrésistible. Il manque une chaleur humaine, une sensibilité dramatique. A trop vouloir faire le film parfait, sans jamais dévier de son concept, le réalisateur ne cherche pas à être généreux. Pour autant, il n’est pas si radical. Mais en superposant ses histoires plus qu’en les mélangeant, en restant constant dans son projet, il ne parvient pas à créer l’alchimie nécessaire pour que le rythme et la tonalité varient et nous emportent. Nous assistons à la visite d’une exposition chronologique où aucun accrochage ne se distingue de son voisin.

Œuvre idéaliste, comme son personnage, comme l’ambition d’une telle folie cinématographique, Shirley espère : l’avenir reste à écrire puisque le passé est révélé. Comme si le cinéaste nous signifiait : la peinture et le cinéma coexistent, à nous d’inventer le cinéma de demain. Une expérience passionnante, qui aurait mérité de sortir du cadre pour devenir complètement aboutie.
 
vincy

 
 
 
 

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