Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Chemin de croix (Kreuzweg)


Allemagne / 2014

29.10.2014
 



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« L’impudicité est le péché majeur de notre époque »

Le film de Dietrich Brüggemann n’y va pas par quatre chemins. Vous suivez ou vous êtes laissés au bord de la route. Le cinéaste allemand contraint le spectateur à subir son format, clinique, et son récit, didactique. Chemin de croix sera pour certains un parcours audacieux et pour d’autres un calvaire périlleux. Difficile de faire la part des choses devant un objet filmique qui se veut original dans son formalisme et qui ne parvient même pas à prendre un réel point de vue sur son sujet.

Le film est succession de plans fixes. Un concept en soi, puisque chacun plan séquence correspond au chemin de croix du Christ (l’un des circuits touristiques les plus sollicités à Jérusalem). Il y a quatre exceptions : une scène où le plan est mobile puisque la caméra est accrochée à une voiture qui roule, la communion (où les enfants se dirigent vers le prêtre), le sacrifice (où la caméra passe du lit d’hôpital vers le visage des « coupables ») et enfin le cimetière où, en mode plongée, le point de vue épouse l’élévation vers les cieux de la « sainte ».

Conceptuel, c’est le terme. Un formalisme très calculé qui sous tendrait que l’univers religieux de l’héroïne est immobile, étouffant, rigide. C’est intelligent, mais c’est aussi assez ennuyeux à cause d’un systématisme dont on finit rapidement par se lasser.
Si au moins, le réalisateur s’était pris la peine de nous donner son point de vue. Au nom d’un dogme de la neutralité, il préfère ne pas prendre partie et nous laisse interpréter à notre façon le pour et le contre de cet intégrisme religieux qui va conduire une jeune adolescente à la mort. Bien sûr, l’ultime scène nous fait comprendre que le sacrifice est lourd et fissure la foi des parents autoritaires (couple qui rappelle celui de Virgin Suicides). Mais, en créant un miracle, qui légitime la crucifixion de la sœur aînée, il brouille les pistes et entretient la confusion, plutôt que d’approfondir notre réflexion.

L’excellence des comédiens ne peut pas sauver la longueur interminable de certains dialogues : certaines séquences apparaissent ainsi plus réussies, mieux inspirées que d’autres. La faiblesse de la relation avec l’aspirant petit ami contraste avec l’intensité de la liaison perverse et narcissique de sa dominante de mère.

Parce que l’on ressent autant la tyrannie maternelle, et donc une antipathie viscérale, que la souffrance de la fille, et du même coup une empathie immédiate, le spectateur ne peut pas avoir de choix. Il est orienté vers la compassion. Mais, et c’est là que le réalisateur ne parvient pas à dissiper la confusion, aucun de ses personnages ne déraillent de sa direction. Aucune remise en question. Les individus extérieurs sont impuissants à changer le cours de l’histoire. A arrêter ce chemin de croix. Ce n’est pas invraisemblable, mais cela empêche la fiction de se libérer ou même d’offrir à ses personnages un choix, de leur donner la possibilité d’avoir des nuances. La mère est stable et rigide pendant que la fille décline scène après scène. Finalement, il n’y a aucune ascension, ni même rédemption.

Cette surdose de flagellation dans un récit qui traite d’emprise et d’esclavagisme psychologique ne permet pas de comprendre réellement les motifs d’une famille à vouloir se couper du monde moderne (« Ces cours de sport mixtes, encore une absurdité moderniste ! »), à rejeter toute humanité et à s’enfermer dans un comportement de secte.
L’embrigadement intellectuel conduit à la destruction physique. Mais la complexité de l’être humain n’est pas si précise. Le cinéaste pêche par orgueil : le cinéma dicte sa Loi avec un schéma visuel lui-même très rigide, et pas loin d’être antipathique. Génie de la fusion et de la forme ou prétention de vouloir nous imposer un prosélytisme à ne pas mettre entre toutes les oreilles. L’autorité cléricale doublée d’un discours intangible de la mère, et on ressent vite une purge verbale, qui manque d’un vrai discours dénonciateur pour être complètement convaincus sur le mobile du cinéaste. Le spectateur finit aussi maltraité que l’héroïne.
 
vincy

 
 
 
 

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