Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Le temps des aveux


France / 2014

17.12.2014
 



CONFESSIONS, FORCÉMENT





«- Je dois la vie à un homme, Douch, qui en a assassiné des milliers. Mon sauveur est un bourreau. »

Adapté d’un témoignage réel, celui de François Bizot, coproduit par le Claude Lanzmann du génocide cambodgien, Rithy Panh, Le temps des aveux impose d’emblée son statut de fiction authentifiée. Pour Régis Wargnier c’est aussi un retour dans le sud-est asiatique, plus de vingt ans après Indochine. Le récit commence là où Indochine se terminait : la décolonisation de la région s’amorce, et la guerre froide envahit la région, avec l’ascension des communistes. La version cambodgienne du stalinisme est atroce et conduira au massacre de millions de gens.

Le temps des aveux est historiquement passionnant. Le récit, assez classique, tient sa force dans un duo/duel entre un jeune ethnologue français très intégré et amoureux (Raphaël Personnaz, dans son plus grand rôle à ce jour) et un jeune chef de camp de prisonnier, francophile, érudit et qui deviendra l’un des plus grands tortionnaires du siècle.

Le cinéaste a préféré une mise en scène presque réaliste à la flamboyance de ces épopées des années 90. Une grande partie du film se déroule à ciel ouvert, dans un camp, en pleine forêt. On ne quitte jamais le point de vue du prisonnier. Autrement dit, l’horreur Khmer n’est révélée que lorsqu’il s’évade et découvre les charniers. A quelques moments, l’histoire montre d’autres points de vue – celui de Douch ou celui de l’épouse – mais parcimonieusement.

La justice arbitraire, les exécutions sommaires, la torture psychologique ou physique, les travaux forcés stupides, les justifications absurdes sont autant de facettes démontrant la terreur de ce régime en passe de prendre le pouvoir. Reste que Wargnier est pudique. Qu’il ne préfère pas surenchérir, laissant notre imaginaire faire le travail. Cela retire sans doute un peu de sensation à ce drame étrangement calme, parfois taiseux. Jamais enragé. Loin de ses premiers films passionnels, il opte pour une sorte de séduction courtoise entre deux hommes qui auraient pu être amis en d’autres temps.

Ce couple infernal n’est pas nouveau au cinéma. Mais ici, nul excès. Le film semble se complaire dans une certaine réserve. Pourtant, cet homme attaché comme un animal et qui craint pour son sort ne laisse pas indifférent. Mais, sacrifiant l’intensité émotionnelle, le réalisateur préfère donner du rythme à son récit et se concentrer sur l’épopée de ce scientifique au milieu des barbares. C’est davantage dans la description psychologique de ses personnages que le film s’épanouit. La cruauté doucereuse et l’humanité de Douch contraste avec nos préjugés. Wargnier tisse un lien invisible et peu bavard entre les deux hommes. Nul éclat ici. Le film est volontairement terne. Il ne peut y avoir de bonheur, ni de lumière, dans ce genre d’épreuve.

Après trois quart d’heure dans ce camp, Le temps des aveux redevient plus Wargnérien. L’exode programmé des Français rappelle la fuite de Sandrine Bonnaire dans Est-Ouest. Ce n’est pas Argo mais presque. Avec brio, l’évacuation est menée tambour-battant. Avec son lot de rebondissements et de suspens.

Il y a presque deux films aux antipodes, un pile, une face, qui coexistent. Les deux parties sont, chacune à la manière, efficaces, classiques, intéressantes. Le manque d’ambition cinématographique et la voix off qui tue toute volonté de nous émouvoir n’empêchent pas à cette histoire dans l’Histoire de nous faire comprendre l’ampleur des drames qui se nouent, qu’ils soient individuels (le prisonniers) ou collectifs (le peuple cambodgien).
 
vincy

 
 
 
 

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