Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Phoenix


Allemagne / 2014

28.01.2015
 



LA FEMME SANS VISAGE





«- Je veux être exactement comme avant.»

Christian Petzold et Nina Hoss, c’était le magnifique film Barbara. Le réalisateur et l’actrice se retrouvent pour Phoenix, qui scrute une fois de plus un moment délicat de l’histoire allemande. Après le crépuscule de l’Allemagne de l’est dans Barbara, Phoenix s’inscrit dans l’après défaite de la seconde guerre-mondiale.

Nina Hoss, toujours aussi sublime, incarne impeccablement une survivante des camps, défigurée physiquement, amochée psychologiquement, une femme (juive) dont le passé de chanteuse fut glorieux avant Hitler et dont l’avenir est incertain, en plein brouillard, après Hitler. Berlin est aussi dévastée qu’elle.
Grâce à la chirurgie plastique, elle renaît de ses cendres (l’image du Phoenix), sort de l’enfer, s’extirpe de la guerre. La femme a un visage, elle est pourtant mal dans sa peau. Il y a bien le rêve de la terre promise (Israël), mais il y a surtout le désir de retrouver un morceau de son passé (son mari). Le réalisateur ne ménage pas sa peine pour essayer de donner une dimension visuelle aux tourments de son héroïne. Ainsi quand elle se voit « reconstruite », pour la première fois, dans un miroir (brisé), elle apparaît comme fracturée (« Je n’existe plus »). Elle ne sera plus jamais la même. La douleur détruit aussi la surface des choses.

Si Phoenix intéresse malgré ses mollesses c’est davantage dans la relation ambivalente qu’elle entretient avec son mari. Celui-ci l’a trahie, l’a dénoncée, a divorcé quand elle était déportée. Mais il veut récupérer la fortune de sa belle-famille. Quand il rencontre sa femme, qu’il croit morte, il ne la reconnaît pas. Il la prend pour un sosie imparfait qu’il va essayer de transformer en copie parfaite. Un jeu pervers et passionnant. La situation est traumatique. Elle se laisse manipuler, espérant comprendre pourquoi son mari l’a envoyée dans les camps de la mort, espérant aussi pouvoir reprendre leur vie d’avant. Lui n’en a que faire et ne cherche qu’à profiter, en trichant.

Un beau salaud. Beau et salaud. Pourtant Phoenix n’en fait pas trop. Le film joue sur l’incapacité du mari, cynique, à reconnaître sa femme et sur l’obstination de sa femme, toujours amoureuse, à vouloir être reconnue par son mari. Il manque quelques éléments pour comprendre les motivations de l’un et de l’autre. Au spectateur de les deviner. Les deux sont perdus. Mais c’est le trouble de l’identité et la quête de la vérité du personnage de Nina Hoss qui fascine le plus. Son jeu remplit les vides du scénario, grosse faille du film. Le script souffre de quelques ellipses trop floues, d’une déconstruction de la chronologie complètement inutile (et qui amène quelques redondances), de scènes un peu vaines. On s’interroge sur quelques évidences quand le réalisateur évacue des séquences qui rendent le récit peu plausible.

Evidemment, nous savons que le retour à la vie d’avant n’est pas possible. Que le suicide est une possibilité. Mais la fin ne sera pas celle-là. Un visage peut changer, on peut perdre sa démarche, on peut plagier une écriture, on ne peut pas chanter comme une autre chanteuse. La voix comme signature, comme preuve… Et puis ce tatouage sur le bras…

Le film emmènera son couple jusqu’au bout : tous deux vont comprendre que leur vie n’est pas celle qu’ils imaginaient. Le Phoenix a ressurgit, il faut qu’il prenne son envol. A capella, elle dit adieu et laisse les vivants derrière elle. Ils sont éteints. Elle est libre.
 
vincy

 
 
 
 

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