Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



Ailleurs
Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary
Effacer l'historique
Ema
Enorme
La daronne
Lux Æterna
Peninsula
Petit pays
Rocks
Tenet
Un pays qui se tient sage



J'ai perdu mon corps
Les misérables
The Irishman
Marriage Story
Les filles du Docteur March
L'extraordinaire voyage de Marona
1917
Jojo Rabbit
L'odyssée de Choum
La dernière vie de Simon
Notre-Dame du Nil
Uncut Gems
Un divan à Tunis
Le cas Richard Jewell
Dark Waters
La communion



Les deux papes
Les siffleurs
Les enfants du temps
Je ne rêve que de vous
La Llorana
Scandale
Bad Boys For Life
Cuban Network
La Voie de la justice
Les traducteurs
Revenir
Un jour si blanc
Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn
La fille au bracelet
Jinpa, un conte tibétain
L'appel de la forêt
Lettre à Franco
Wet Season
Judy
Lara Jenkins
En avant
De Gaulle






 (c) Ecran Noir 96 - 24


  



Donnez votre avis...


Nombre de votes : 219

 
Pas sur la bouche


France / 2003

03.12.03
 



MANEGES ENCHANTES





"- Un gosse ! Il verra bien si je suis un gosse quand j’en aurai fait un à sa femme !"

Epatant ! Une excellente comédie de m¦urs, délicieusement drôle et étonnamment moderne. Dire que Pas sur la bouche est une histoire vieille de 78 ans ! Une opérette, de surcroît ! Après On connaît la chanson en 1997, comédie musicale aux 7 Césars forte en singularité, Alain Resnais a mis la barre bien plus haute. Décidément, dans le registre du hors norme, le réalisateur accomplit de véritables prouesses. On ne peut que s’en réjouir tant ce dernier film est un pur moment de bonheur.

Les Années Folles, période de frénésie et d’avidité pour les plaisirs en tous genres : la bourgeoisie, s’amuse ; l’art se libère et attise les passions ; le music hall enflamme les scènes parisiennes. Trois quarts de siècle plus tard, Alain Resnais nous plonge dans cette ambiance virevoltante d’une manière plus que généreuse : Pas sur la bouche est un tourbillon d’enthousiasme qui emporte tout sur son passage ; y compris le spectateur. Car il ne faut pas s’y tromper : s’il s’agit bel et bien d’une opérette, ce dernier Resnais est, avant tout, une fresque comique et subtile, comme on aimerait en voir plus souvent. Le film comporte, bien sûr quelques défauts, notamment en ce qui concerne son rythme d’ouverture. Alain Resnais a opté pour une adaptation textuellement fidèle à l’¦uvre de 1925. Un choix salutaire, certes, mais qui ne va pas sans poser certains problèmes, puisque le prologue de Pas sur la bouche vise une caractérisation approfondie de chaque personnage, afin qu’ils soient tous mis à pied d’égalité. Un développement évidemment indispensable, lorsqu’on connaît l’évolution de l’histoire, mais qui, sur le moment, peut laisser perplexe, d’autant plus que l’entrée en matière se fait par le biais de longues chansons. Au final, c’est à la fois lent et captivant. Puisque, parallèlement, le jeu des comédiens et la mise en scène sont ici, et tout au long du film, totalement fascinants.

Tandems, quatuors, sextuors, acteurs chantants, enchantants, personnages oisifs, enjoués, audacieux, merveilleusement optimistes ... Rêves de flirts, adultères inventés, fantasmes manqués .... Embrassez qui vous voudrez, mais pas sur la bouche ! Telle est la donne. Tous les personnages s’y appliquent ; chaque comédien y met tout son c¦ur. Une vraie tornade de bonne humeur ! Gilberte, d’abord, alias Sabine Azema : deux prétendants, plus un mari qu’elle aime (mais elle déplore qu’il ne soit pas jaloux), et un autre qu’elle n’aime pas, mais qui, lui, est jaloux ! De quoi faire tourner la tête ! S.O.S. Arlette, donc (Isabelle Nanty dans le rôle de sa s¦ur, vieille fille et confidente de tout le monde). Une entremetteuse et médiatrice qui a du pain sur la planche. Entre le second mari (Pierre Arditi), convaincu qu’il détient les preuves scientifiques de la fidélité de sa femme, et l’ex caché qui resurgit (Lambert Wilson), il va falloir la jouer fine ! D’autant plus que ces deux gentlemen ont de la suite dans les idées. Là, ce n’est que le début ! Ajoutons Audrey Tautou, dans le rôle d’Hugette, une jeune fille moderne en phase avec son époque ; très banchée quart d’heure américain. Jalil Lespert dans la peau d’un artiste complet. Peintre, poète, écrivain, comédien... Bref, un jeune homme très inspiré. Alors quand il s’agit d’amour il n’a peur de rien ! N’oublions pas Faradel (Daniel Prévost) ; rien d’étonnant à ce que sa garçonnière n’ait jamais servi ; du moins, jusqu’à aujourd’hui... De quoi donner des frissons à Madame Foin, la concierge, interprétée par Darry Cowl, qui mate par le trou de la serrure, en chantant : 20 ans qu’elle n’avait plus vu de pareilles choses !
Huit comédiens exquis ! Tous font preuve d’une surprenante énergie communicative. Leur jeu, en va-et-vient permanent, est jubilatoire. On se croirait véritablement au théâtre, tant ils nous sont proches. Leur justesse en chant nous laisse béats. Imaginez la difficulté lorsqu’on on sait que, sur l’intégralité du film, toutes les chansons sont glissées au coeur de longs plans séquences, tantôt introduits, tantôt clos par des scènes dialoguées. Question de fluidité filmique. Les performances sont ainsi de taille !

Un certain mélange de poigne et de volupté que l’on retrouve, évidemment, dans la mise en scène de Resnais, hautement théâtralisée. Est-on au cinéma, au théâtre ou dans un cabaret ? On se le demande, tant le réalisateur joue avec les supports. Décors majestueux - certains sont à la hauteur d’une scène d’opéra - où l’on joue sur les textures et les contrastes chromatiques ; variations des lumières au sein même des plans séquences (éclairages soudainement focalisés sur un unique personnage, ou, à l’inverse, très diffus)... Resnais joue sur les températures de couleurs et de lumières, sur l’immobilité et les mouvements de sa caméra, sur l’artificialité des décors et des éclairages dans les séquences d’extérieurs pour transformer l’écran en une scène de théâtre.

Esthétiquement parlent, Pas sur la bouche est un vrai bijou ! Musicalement, on en mangerait : tout l’art du metteur en scène et de son compositeur, Bruno Fontaine, tient dans une brillante conversion des musiques et chansons en une entité véritablement palpable, participante et interactive avec l’intrigue. De quoi définitivement voir les opérettes sous un autre ¦il. Ainsi, même les spectateurs les moins aguerris au genre pourraient bien tomber sous le charme. En somme : vous risquez de vous amuser !
 
Sabrina

 
 
 
 

haut