Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Le tournoi


France / 2015

29.04.2015
 



LA DIAGONALE DES FOUS





«- Je suis pas pédé.
- Moi non plus, t’inquiète.
»

Le Tournoi prend place dans une compétition mondiale de jeux d’échecs. Mais le film d’Elodie Namer est avant tout le tableau d’une jeunesse perdue. Paumée parce qu’elle n’a pas eu une enfance classique, affectueuse, à force d’enregistrer des tonnes de calculs et de possibilités pour gagner une partie. Egarée parce qu’elle ne sait plus faire la différence entre le jeu et la réalité, entre l’enjeu d’un match cérébral et celui d’une relation sentimentale. Déboussolée parce qu’elle ne se projette dans aucun avenir autre que des championnats internationaux. Cette jeunesse se croit invincible, immortelle, alors que tous sont vulnérables pour ne pas dire faillibles et angoissés.

Et si Le tournoi nous fascine c’est davantage grâce au soin esthétique que la réalisatrice apporte à son sujet. De la musique savamment dosée (et variée) de Dombrance à l’image (influencée par Noé, Korine, Araki ou encore Clark), le film est presque un exercice de style, porté par de jeunes comédiens charismatiques et un récit, certes classique et assez simple, mais suffisamment captivant pour nous happer.

Dans cet environnement ludique, où tout est prétexte à parier, ces joueurs dans la chair et dans l’âme fonctionnent avec des chiffres et des lettres quittent à écraser leurs émotions cachées. Ils sont tous là à chercher des liens sincères alors qu’ils vivent dans un monde de manipulateurs. Le tournoi est construit sur quatre relations : Cal et Lou (Lou de Laâge, sublime et ambivalente), Viktor et Cal, les quatre joueurs et amis (Mathieu, Anthony, Aurélien et Cal), Cal et Max. Trahisons, amitié fragile, affection frustrée, jalousie, perversions : tout y passe et met à rude épreuve l’équilibre mental de Cal, qui doit éviter ces écueils tout en assouvissant ses propres ambitions, en acceptant des compromis, en ne reniant pas sa liberté, en cherchant à s’émanciper et en prenant du plaisir.

C’est presque une immersion psychanalytique du cerveau de Cal qui est mise en scène. Dans ce huis-clos (l’hôtel est un lieu idoine pour multiplier les lieux), où esprit de compétition, débauche et rites contrastent avec l’atmosphère feutrée et concentrée, la cinéaste tente de créer un « climat » tendu, tenu même, voire nerveux. Il y a parois une ambiance ténébreuse qui flirte avec le thriller. Il en ressort une sensation d’imprévisibilité. La fin n’est pas écrite d’avance et le scénario s’amuse même à troubler nos certitudes. Mais il se dégage également une forte sensualité. La réalisatrice n’hésite pas exhiber ses comédiens, même en tenue légère. La testostérone est d’ailleurs très présente.

Mais ce sont bien les aspirations de Cal qui servent de fil conducteur. Incarné par le jeune boxeur Michelangelo Passaniti, gueule d’ange qui intériorise tout, c’est une véritable révélation. Avec charisme et sensibilité, il apporte à son personnage ce qui manque souvent au jeune cinéma français : un physique avenant, une virilité assumée et un jeu plus cinématographique à la Delon qu’Actor’s studio. Car le corps est important : il y a ceux qui en ont le culte (salle de gym) et ceux pour qui il est pesant (et les isole). C’est le cas du personnage d’Aurélien (premier rôle pour le vrai joueur d’échec Fabien Libiszewski) dont la virginité attendrissante conduit à la plus belle séquence du film.
Cette séquence est double en fait. Dans un premier temps, un baiser homosexuel masculin, gracieux et généreux, audacieux et troublant. Une preuve d’amour par amitié. Dans un second temps, une scène plus sexuelle (et hétérosexuelle), dans la baignoire, où l’acte est triste et finalement interrompu. La preuve que l’amour est absent. De là le « héros » bascule. Et l’histoire aussi. À l’américaine, le scénario nous fait croire qu’il va plonger dans les abysses de l’échec, et nul ne sait s’il va pouvoir ressusciter.

A cette fiction « sportive »,, Elodie Namer signe un éloge de la désobéissance et de la liberté. Du lâcher prise (comme on lâche une pédale pour que la voiture démarre pour ne pas surchauffer le moteur) et de quitter sa prison. Ce qui conduira à un beau final (et une belle finale) où le plaisir individuel prendra sa revanche sur un monde enfermé dans ses cases noires et blanches.
 
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