Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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La dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil


France / 2015

05.08.2015
 



UN WEEK-END MEURTRIER





«- Ils me prennent pour une dingue.»

Joann Sfar a des envies de cinéma. C’est évident avec La dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil. Dessinateur, écrivain, cinéaste désormais confirmé, il a pris la tangente avec ce road-movie/film noir en adaptant une histoire dont il n’est pas l’auteur. Après les années 50-70 de Gainsbourg, il revient au vintage des seventies, mode glamour et polar.

A partir du roman de Sébastien Japrisot, il offre un voyage plus esthétique qu’angoissant, plus proche de la folie ordinaire que de l’excès. C’est stylisé au point que les Léone, Peckinpah, Scott et autres Lynch sont conviés en références. Cela rend l’œuvre à la fois séduisante et presque trop lisse tant l’ensemble paraît cousu avec perfectionnisme, du découpage à l’image.

Il est rare que le cinéma français affirme à ce point une volonté (on ne parlera pas d’audace tant c’est courant dans d’autres cinémas) de faire un beau film, avec une atmosphère singulière. Il y a un désir de cinéma à l’américaine, indéniable. Et louable. Vela va jusqu’au choix des acteurs, loin d’un réalisme quelconque, d’un esprit « nouvelle vague » puisque le quatuor principal est beau, plastiquement. Sexué jusqu’au bout. Il fut toujours se méfier de la beauté, elle peut-être dangereuse. Et c’est bien le cas ici. Une rousse catho coincée à la peau blanche, pas très nette dans sa tête, sert d’héroïne à cette rocambolesque mésaventure en voiture. Se joignent un patron qui fait penser au loup de Tex Avery devant Cinderella, son épouse aussi brune que jalouse et un italien voyou de passage.
Une sainte névrosée, un prédateur, une ancienne copine et un latin lover : le cocktail s’annonce détonnant. Dans un univers très pop art, il y a de quoi faire grimper un sentiment d’inquiétude.

Joann Sfar s’amuse : split-screen, images insérées, plans furtifs, effets visuels manipulation de la chronologie, dialogues, ralentis, musique, perte de repères entre ce que l’on voit et ce qui est dit. Tout contribue à rendre la dame dans l’auto assez folle et son voyage presque fantasmagorique.

On s’égare entre imaginaire, onirisme et jeux sado-masochistes. Il y a en sous texte une histoire de domination et de soumission (à l’esprit comme aux hommes), qui tend vers le tableau d’une France de l’époque se sentant toujours coupable. C’est amené superficiellement, pas assez approfondit, sans doute trop noyé dans un mystère qui s’épaissit pour les besoins de la tension dramatique, mais tous les personnages sont confrontés à la notion de culpabilité. Certains y répondent avec cynisme, d’autres avec lâcheté. Peu importe : le résultat est identique. L’innocence n’existe pas.

Ça aurait pu être davantage déglingué, ou encore plus noir. Mais le soleil de la Nationale 7 écrase tout et l’esthétique étouffe sous son emprise tout grain de folie ou simplement toute humanité. Il y a quelque chose de très froid dans cette couleur du mensonge. Sauvé son par suspens, le récit se laisse diriger par les errances de la secrétaire qui file vers la mer – elle n’a jamais vu la mer – sur un coup de tête. Est-elle si déglinguée qu’on ne le croit? C’est la vraie réussite du scénario : jusqu’au final, le spectateur ne sait pas si elle est une meurtrière ou victime d’une machination. A force de se parler toute seule, d’être presque schizo, où se côtoient ses fantasmes et le réel, cette jolie rouquine en Thundbird rutilante est une icône cinématographique aussi marquante qu’une pin-up photographiée dans un décor artificiel. « Quand est-ce que tout ça a commencé à se détraquer ? » On ne le saura que dans une villa polanskienne, juste avant l’épilogue. Tout le puzzle est alors construit. La myope cinglée retrouve la vue et la raison. L’identité troublée redevient nette (mais amochée).

Cela s’illustre avec une image floue. Sans lunettes, la dame ne voit pas grand chose. Et d’ailleurs elle ne voit rien arriver : aucun de ses malheurs. Tout est brouillé. On regretterait presque le cinéaste n’aille pas plus loin dans la métaphore visuelle. Et si tout ça n’était qu’un mirage, une rêverie, un délire ? « C’est dans ta tête, rien de tout ça n’existe » dit-on à notre conductrice du dimanche. On aurait aimé avoir ce doute. Quitter la salle avec une énigme non résolue, et une interprétation ouverte… A moins que ?
 
vincy

 
 
 
 

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