Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Le fils de Jean


France / 2016

31.08.2016
 



L’INCONNU DU LAC





"Un type qui tombe à l’eau avec ses bottes, il reste au fond. N’importe quel con te le dirait. "

Attention à ne pas sous-estimer le nouveau film de Philippe Lioret qui, s’il ne traite pas explicitement d’un "grand sujet social" comme ses deux précédents (Toutes nos envies sur le surendettement et Welcome sur les réfugiés), n’en est pas pour autant un film mineur. Au premier abord, l’histoire (très librement inspirée du livre Si ce roman pouvait me rapprocher de toi de Jean-Paul Dubois) frappe par sa simplicité : une quête filiale qui devient initiatique et amicale, doublée d’une réflexion sur les familles qu’on se crée, souvent moins décevantes que les familles de sang. Mais plus on avance dans l’intrigue, plus on est saisi par le tour de force réussi par le réalisateur, qui surfe sans cesse entre émotion, mélancolie et humour, sans jamais céder aux sirènes de la facilité.

Au contraire, extrêmement à l’aise avec le matériel le plus intime, il filme ce voyage initiatique de plus en plus poignant dans une grande économie d’effets de mise en scène, mais avec une justesse de ton qui permet d’y croire de bout en bout. On n’est pas dans les révélations spectaculaires ou les rebondissements bouleversants, mais plutôt dans une accumulation de toutes petites choses qui, par touches subtiles, amènent à vivre avec le personnage ces rencontres tantôt décevantes, tantôt revigorantes, qui dans tous les cas lui permettent de faire le point sur sa propre vie.

En cinéphile facétieux, Philippe Lioret joue également avec les attentes de ses spectateurs, laissant sans cesse le récit ouvert à un basculement, ou tout au moins à une dérive vers un autre histoire. A plusieurs reprises, et notamment dans les excellentes séquences au bord du lac, on sent ainsi le genre sur le point de contaminer le récit, transformant une situation a priori dramatique en huis-clos anxiogène qui flirte avec le thriller. Et c’est vrai qu’on est bien dans une enquête, avec son lot d’indices, de fausses pistes et de rebondissements. L’enquête d’un trentenaire qui s’interroge sur ses origines, se rend au bout du monde pour essayer de comprendre d’où il vient, et, en guide de réponses et réconfort, découvre non-dits, suspicion et fin de non-recevoir.

Il y a en effet une forme de noirceur dans le portrait que Philippe Lioret dresse de Jean, le défunt, et de ses deux fils, peu aimables, imbus d’eux-mêmes et obnubilés par l’argent et la réussite matérielle. On retrouve bien là le réalisateur de Welcome et de Toutes nos envies, cet humaniste pour qui "l’argent ne se mange pas" (une citation du film qu’il aime répéter en interview) et chez qui toute histoire cache un fonds social plus ou moins flagrant, mais toujours engagé. Cette fois, on se délecte avec une certaine cruauté de ce duo de frères à la recherche du corps de leur père et qui se déchirent pour des questions d’héritage, sans réelle notion de décence ou de deuil.

C’est d’autant plus réjouissant que les acteurs sont tous excellents, d’un Pierre Deladonchamps presque candide à un Gabriel Arcand bourru à point, en passant par Catherine de Léan, Marie-Thérèse Fortin, Pierre-Yves Cardinal et Patrick Hivon qui apportent force et profondeur aux rôles plus secondaires. Sans esbroufe, mais sans fausse modestie, Philippe Lioret propose ainsi un film d’une grande simplicité, sans être simpliste, qui réunit la force d’un récit intime, le plaisir d’un second degré qui vire presque au polar et l’immense magie du cinéma en tant que formidable machine à raconter des histoires et créer des émotions.
 
MpM

 
 
 
 

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