Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Cézanne et moi


France / 2016

21.09.2016
 



SI LE BONHEUR EXISTE, C’EST UNE ÉPREUVE D’ARTISTE





"- Tous ces bourgeois que tu détestais sont devenus tes amis..."

Ce n’est pas forcément le film "qualité française" qu’on attendait. Il faudrait même souligner à quel point Danièle Thompson a semblé plus inspirée par cette fresque dramatique que par ses récentes comédies de mœurs. Cependant, à vouloir brasser trop de thèmes, enrichissant de ça et là un matériau déjà foisonnant d’idées, la cinéaste étreint trop le spectateur et le film nous étouffe de cette embrassade trop généreuse.

A l’origine, Cézanne et moi est une histoire vraie, méconnue (et donc passionnante), inédite même au cinéma : l’amitié entre deux monstres des Arts, le peintre Paul Cézanne et l’écrivain Emile Zola. Deux géants dans leur domaine. Ils se connaissent depuis l’enfance, partagent les 400 coups de leur jeunesse. Le destin facétieux conduira le bourgeois Cézanne à la marginalité (précarité financière, reconnaissance tardive, caractère aigri) et le pauvre Zola à la gloire (riche et célèbre). Ils se rapprochent, s’éloignent, se retrouvent, se fâchent. Un malentendu (dissipé par les Historiens mais pas par le film) autour d’un livre de Zola qui dépeint un artiste face à l’échec. Les lecteurs de l’époque y auraient vu Cézanne. Cézanne s’est cru décrit et humilié. Il n’en était finalement rien.

Outre leur correspondance épistolaire et leurs vies abondamment biographiées, on ne sait pas grand chose de leur « liaison ». Thompson invente, imagine. Et finalement s’attache davantage à ce qu’elle connaît : les aléas du destin, l’affection, les sentiments.

Classicisme

Le film est fragmenté entre ces différentes émotions, révélant les caractères de chacun, décrivant l’usure d’une relation qui se distend. On regrette alors, malgré la belle photo et une musique séduisante, le choix du découpage. Tous ces allers et retours dans le temps qui cassent le rythme. Comme si Thompson n’avait pas eu confiance en son récit ou pas su écrire une histoire linéaire puissante.

Pourtant, comme nous l’avons dit, Cézanne et moi ne manque pas d’idées ni de sujets. Reste que le film en devient un peu didactique, classique, et finalement assez convenu. Mais avant tout, il apparaît comme inégal. Car si les deux hommes sont filmés comme deux êtres amoureux et admiratifs, si on retient les dialogues percutants (mais une dialectique prévisible entre un écrivain subtil et observateur et un peintre solitaire et envieur), si la gourmandise (la chair, l’art, la vie) et les trahisons en font une histoire passionnante, il y a une forme de gavage qui se fait ressentir. On apprécie la saveur des ingrédients, la beauté de l’époque restituée, l’amour pour les comédiens, la confrontation entre les êtres, mais on ne se sent jamais transportés, emballés.

A cela s’ajoute, pour conclure, une paire d’acteurs qui aurait pu faire mouche. Or Guillaume Gallienne, avec son accent provençal grotesque, en fait trop. Entre excès, exubérance, arrogance et égotisme, on sent qu’il veut bouffer tout le monde (on en revient au gavage) et voler chaque scène. Il en fait trop et, du coup, même s’il compose plutôt bien les nuances de son personnage contradictoire, nous offre un spectacle « actor’s studio » qui colle mal aux fines variations que la réalisatrice voudrait mettre en scène.

Zola gagne le match

Heureusement, c’est celui qu’on n’attendait pas qui sauve l’ensemble. Ironiquement il n’y a pas Zola dans le titre du film. Cependant, c’est bien Zola qui nous reste à l’esprit. Guillaume Canet parvient, avec un jeu plus discret, plus intriguant, plus en creux, et d’ailleurs plus humble, réussit à appuyer les forces du scénario et à en combler les faiblesses. Sans esbroufe, avec un certain naturalisme, il réussit à faire exister un personnage célèbre sans se faire écraser par lui. Mieux, on aurait envie de renommer Cézanne et moi en Zola et lui, pointant du doigt cet autre (génial peintre) à l’ego boursoufflé et blessé. Thompson choisit, inconsciemment, le poste de l’observateur social lucide et réfléchi, dans un décor impressionniste et esthétique. Elle est du côté de l'auteur (celui qui manie les mots et les histoires) plutôt que du côté du plasticien (l'image et le non dit). Pas étonnant de la part de celle qui a toujours aimer regarder les gens de son époque et qui est reconnue comme une brillante scénariste. Dans ce match entre celui qui colorait magnifiquement la réalité et celui qui la dépeignait avec tant de justesse grâce aux mots, c’est le dernier qui triomphe.
 
vincy

 
 
 
 

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