Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Trois visages (Three Faces - Se rokh)


Iran / 2018

06.06.2018
 



CECI N’EST PAS UN SUICIDE





« C’est étrange, tout a l’air vrai. »

On est heureux, toujours, de voir que Jafar Panahi brave son interdiction de filmer en nous offrant une nouvelle œuvre. Trois visages semble pourtant moins « clandestin » que les autres. Même si les vingt premières minutes – un prologue filmé avec un iphone, une caméra embarquée dans une voiture pour un long plan séquence – nous ramènent à Ceci n’est pas un film et Taxi Téhéran. Cette continuité est trompeuse même si les plans subjectifs restent nombreux dans son film. Mais cette fois-ci Jafar Panahi s’offre un voyage au nord-ouest du pays, dans les montagnes que se partagent l’Iran, l’Azerbaïdjan, la Turquie et l’Arménie. Cette évasion, « kiarostamienne » lui permet d’aérer son cinéma avec de sublimes paysages, des plans larges, et de montrer la ruralité et l’isolement de ses habitants. C’est aussi une œuvre sur un Iran abandonné et une minorité reculée, où l’émancipation des femmes n’est pas envisagée.

Trois visages ce concentre pourtant sur une histoire d’individus : une jeune fille, aspirante actrice, piégée par les valeurs et les traditions de son village et qui ne peut pas aller étudier à Téhéran, qui envoie une vidéo (où elle se suicide) à une comédienne, star de la télé, qui est déchirée entre la culpabilité de ne pas l’avoir aidée et le doute sur cette mort. Jafar Panahi l’accompagne alors dans ces contrées reculées pour démêler le faux du vrai. Et lors de ce périple, il y aura d’autres visages : parents, amis, villageois… chacun avec son histoire.

C’est un film autour d’un suicide. C’est ce qui est dit. C’est ce que l’on croit. Mais le miroir que nous tend Panahi refléchit un autre sujet à partir de se suicide filmé par la victime : la manipulation des images. Ainsi, il trouble nos certitudes en créant un suspens : s’est-elle vraiment suicidée ou non ? De l’importance (et de la difficulté) à vérifier ce que l’on voit.

Le passager

Douter de l’image, authentifier les faits. Trois visages est proche d’une investigation journalistique. Et c’est avec ironie, qu’il choisit le métier d’actrices (ces « saltimbanques méprisées ») – dont l’art est de savoir dissimuler – pour trier la croyance de la vérité. « Ils peuvent tout dissimuler, sauf ce corps ».

Le cinéaste parvient à rythmer cette enquête tout en nous impliquant dans l’intrigue. Mais, dès lors que l’énigme est résolue, son histoire se dissout lentement dans des scènes moins intenses, pour arriver à une fin dépourvue d’émotions, s’avérant plus métaphorique qu’allégorique. Le pittoresque l’emporte sur le drame. Le récit se déporte trop sur les petites histoires anodines de chacun, oubliant le fil conducteur (l’enfermement et l’exclusion des artistes).

Trois visages, très bien monté, très bien interprété, magnifiquement cadré, sait utiliser la profondeur de champs mais il paraît manquer un peu de profondeur hors-champs. Le film ne nous enthousiaste pas autant que les autres œuvres du cinéastes, plus audacieuses, plus universelles et plus complexes. Reste son talent inné pour mélanger gracieusement la légèreté du quotidien et la gravité des existences. Son épure est une fois de plus maîtrisée. Et on voit bien qu’avec cette histoire de suicide, Jafar Panahi a voulu (dé)montrer qu’il fallait survivre, en tant que citoyen, individu et artiste. Quitte à vivre l’écart, comme cette ancienne comédienne qui peint des tableaux dans la campagne.
 
vincy

 
 
 
 

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