Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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L'Adieu à la nuit


France / 2019

24.04.2019
 



IMPARDONNABLES





« - Tu ferais quoi si je meures ?
- Je serai fière.
»

L’adieu à la nuit devrait être un bienvenue dans la lumière, et se révèle finalement un bonjour au brouillard, à l’image du personnage de Catherine Deneuve qui finit dans les yeux dans le vague, avec une légère étincelle d’espoir. Son personnage, Muriel, perd ses repères et semble ne plus sortir de la nuit qui obscurcit ses pensées.

Avec un savoir-faire indéniable, qui repose sur une mise en scène sobre, un scénario classique et quelques comédiens bien dirigés, André Téchiné continue ainsi d’explorer les liens du sang (qui parfois sont ceux d’un crime), la transgression (ici identitaire plus que sexuelle) et la faute morale (impliquant la notion de responsabilité, éventuellement de pardon).

L’Adieu à la nuit est le récit d’une grand-mère (Catherine Deneuve, qui porte, bien enracinée, tout le film), coincée dans un dilemme personnel lorsqu’elle découvre que son petit-fils va partir en Syrie combattre pour rejoindre l’Etat islamique. De jeunes occidentaux sont embrigadés, endoctrinés, enrôlés – consentants -, pour faire la guerre aux sociétés occidentales, « pourries » par la luxure, l’individualisme et le consumérisme, dont ils sont issus. Il n’y a pas de leçon moralisatrice ou de happy end réconciliateur ou salvateur.

Mais André Téchiné semble un peu dépassé par son sujet, avec un épilogue pour le moins ambiguë. A trop simplifier l’enjeu politique, jusqu’à le rendre assez binaire, à trop opposer une génération terrienne à une autre virtuelle, un lien avec la nature contre celui qui veut s’élever spirituellement, il passe à côté de nombreuses opportunités pour enrichir son drame familial. D’autant plus que le personnage de Deneuve, précis dans l’écriture, écrase ceux de Mottet Klein et Amamra, qui se débattent avec des rôles manquant de reliefs et de nuances.

Innocents et égarés

On comprend vite que le cinéaste cherche à comprendre ce qui pousse cette jeunesse dans l’antre du diable, préférant le sacrifice à la vie. En prenant le point de vue du personnage de la grand-mère, appuyé par celui de Fouad (Labroudi, qui habite son rôle en quelques scènes) et Youssef (Djouhri, qui apporte toutes les subtilités nécessaires), le réalisateur affirme un propos laïque sans afficher un racisme à l’égard des musulmans.

Il est beaucoup moins convainquant quand il s’agit de raconter les motivations des jeunes djihadistes. Français, perdus dans des séquences un peu stéréotypées. Et, chose plus surprenante pour le cinéaste, il ne parvient pas à tisser le lien, rompu, entre cette grand-mère et son petit-fils. Avec un didactisme et une psychologie trop appuyés, il explique trop le passé tout en effaçant les espoirs de chacun.

La liaison reste belle quand on navigue dans l’intime. Hélas, le récit dicte sa loi en voulant absolument construire une dramaturgie (pour aboutir à des choix cruciaux et cruels). On aurait aimé aller vers cette lumière promise, avec chacun des personnages. Au montage final, André Téchiné a pris parti pour l’abime, avec une femme forte qui prend de la puissance au fil du film, jusqu’à perdre raison dans cette époque décidément folle.

Le petit-fils qu'on aimait trop

Ce qui est dommageable, c’est bien le jugement que porte le réalisateur sur cette jeunesse en quête de foi, ou en tout cas d’un autre monde possible. Lorsque le petit-fils est emprisonné dans une grange, on voit bien que tout ce rationalisme est vain, et que les racines du mal sont ailleurs. Entre la réalité et l’idéal, il ne parvient pas à faire le pont, tout comme il ne cherche pas à instiller le doute parmi ses personnages. Si bien que, sous le vernis de la tolérance, L’adieu à la nuit, ponctué d’hypocrisies, de mensonges et de petites lâchetés, est son film le plus amer, le moins aimable. La grande force du réalisateur est souvent de nous troubler avec ses liaisons périlleuses, aux frontières de la morale et de la folie. Or, ici, il n’y a point de trouble. André Téchiné ferme son film comme on verrouille une cellule dans un centre de rétention.

Dérangeant le spectateur qui espère toujours un peu d’humanisme. Nous voilà perturbés puisqu’à après Nos années folles, il continue de condamner ses personnages, alors qu’il nous avait tant habitués à éprouver une forte empathie pour les marginaux, les hors-la-loi et les passionnés.
 


 
 
 
 

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