Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



Ailleurs
Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary
Effacer l'historique
Ema
Enorme
La daronne
Lux Æterna
Peninsula
Petit pays
Rocks
Tenet
Un pays qui se tient sage



J'ai perdu mon corps
Les misérables
The Irishman
Marriage Story
Les filles du Docteur March
L'extraordinaire voyage de Marona
1917
Jojo Rabbit
L'odyssée de Choum
La dernière vie de Simon
Notre-Dame du Nil
Uncut Gems
Un divan à Tunis
Le cas Richard Jewell
Dark Waters
La communion



Les deux papes
Les siffleurs
Les enfants du temps
Je ne rêve que de vous
La Llorana
Scandale
Bad Boys For Life
Cuban Network
La Voie de la justice
Les traducteurs
Revenir
Un jour si blanc
Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn
La fille au bracelet
Jinpa, un conte tibétain
L'appel de la forêt
Lettre à Franco
Wet Season
Judy
Lara Jenkins
En avant
De Gaulle






 (c) Ecran Noir 96 - 24


  



Donnez votre avis...


Nombre de votes : 0

 
Trois jours et une vie


France / 2019

18.09.2019
 



SACRIFICES





« C’est une sale affaire c’t’histoire. »

Nicolas Boukhrief signe un polar tendu où l’enjeu n’est pas de connaître le coupable. Si Trois jours et une vie réussit à nous captiver, qu’on ait lu ou pas le livre de Pierre Lemaitre, c’est grâce à ce découpage soigné et sans gras. Le récit dicte sa loi à une mise en scène efficace. Ce qui importe ce n’est pas le crime non prémédité mais plutôt la mise en place d’un système, entre chance, compromissions et hasards, qui va permettre au petit criminel d’échapper durant 16 ans (et plus si affinités) à la justice.

Comme son titre l’indique, le film est scindé en deux parties. Il y a ces trois jours de 1999. Entre Noël et la grande tempête qui s’abat sur la France et la Belgique. La nature est cruelle. Une succession de petits drames inoffensifs vont conduire à une immense tragédie involontaire : de quoi hanter un pré-ado en colère. Et puis il y a une vie. Le garçon a grandi. Il est insoupçonnable. Mais le mort est découvert. Le passé se réveille, les blessures s’ouvrent de nouveau. Et l’étau se resserre. Sa liberté ne tient qu’à un cheveu. Sa vie va se refermer sur ce village qu’il voulait tant fuir.

Le film réussit très bien son jeu d’équilibre entre suspens et mal-être. Les révélations finales feront le reste pour nous laisser une sensation d’effroi et pourtant si humaine. En refusant le binaire et en optant pour une morale plus floue, le réalisateur s’attache à comprendre la difficulté de juger qui que ce soit : ceux dont on se méfie parce qu’ils sont perturbateurs ou étrangers comme ceux dont on n’aurait jamais deviné leur capacité à mentir par amour. Trois jours et une vie doit beaucoup à ses comédiens, qui incarnent avec justesse des personnages aux émotions contradictoires, jouant la plupart du temps avec leurs faux-semblants.

De petits chocs au grand choc, Nicolas Boukhrief maîtrise cette histoire tout en se détachant des codes télévisuels à la mode. On sent l’envie de cinéma lorsqu’il filme le village et les Ardennes, tout comme il s’attache à une construction narrative qui joue parfaitement sur la linéarité temporelle et les non-dits. Les acteurs, individuellement, transmettent parfaitement les ambiguïtés de leur personnage, sans dévoiler leur jeu. Collectivement, il savent être au centre de la scène ou au contraires, effacés, quand il le faut.

Au cœur du mensonge

Il faut dire que le roman chabrolien de Pierre Lemaitre, en déjouant la morale attendue et en contournant les codes du genre – pensez : un enfant qui tue un autre enfant, déjà c’est monstrueux ! – est un matériau formidable pour décrypter les ambivalences humaines. Ici, finalement, personne n’est vraiment innocent et beaucoup sont coupables. Entre les hypocrisies de chacun et les arrière-pensées de certains, dans un monde où on ferme les usines, les lignes de chemins de fer, on abat les forêts et on ne passe plus Noël à l’église, l’humain ne varie pas. Il est corrompu, piégé par ses dilemmes, prêts à tout pour que sa petite vie sans histoires survive aux horreurs. « Dans cette histoire, chacun fait comme il peut » entend-on.

Ce pragmatisme cynique résume le final chaleureux en apparence et glaçant dans son intention. Le pacte invisible qui se dévoile sous nos yeux, sans beaucoup de mots, aura fait deux prisonniers (de leur souffrance) : le père de la victime et son bourreau, tous deux enfermés dans un bonheur factice familial, dans une vie qu’ils ne voulaient pas. Cela valait bien une petite tape de réconfort entre eux, par solidarité. Il ne s’agit pas de pardonner, il s’agit de survivre, peu importe les mensonges qu’il faut déployer et les secrets qu’il faut enterrer.
 
vincy

 
 
 
 

haut