Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



Ailleurs
Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary
Effacer l'historique
Ema
Enorme
La daronne
Lux Æterna
Peninsula
Petit pays
Rocks
Tenet
Un pays qui se tient sage



J'ai perdu mon corps
Les misérables
The Irishman
Marriage Story
Les filles du Docteur March
L'extraordinaire voyage de Marona
1917
Jojo Rabbit
L'odyssée de Choum
La dernière vie de Simon
Notre-Dame du Nil
Uncut Gems
Un divan à Tunis
Le cas Richard Jewell
Dark Waters
La communion



Les deux papes
Les siffleurs
Les enfants du temps
Je ne rêve que de vous
La Llorana
Scandale
Bad Boys For Life
Cuban Network
La Voie de la justice
Les traducteurs
Revenir
Un jour si blanc
Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn
La fille au bracelet
Jinpa, un conte tibétain
L'appel de la forêt
Lettre à Franco
Wet Season
Judy
Lara Jenkins
En avant
De Gaulle






 (c) Ecran Noir 96 - 24


Sepia  



Donnez votre avis...


Nombre de votes : 32

 
Le clan


France / 2004

16.06.04
 



LA TRES MAUVAISE EDUCATION





"- Ce que je gagne en charges sociales, je le perds en connerie."

Gael Morel poursuit son parcours attachant de cinéaste candide. Un mélanges d'histoires invertébrée et de cinéma corporel. Instinctif et masculin. Hormis la rayonnante douceur, le temps d'une apparition d'Aure Atika, l'univers de Morel transpire la testostérone. Au plus près, il s'attarde sur les visages, les corps, les mouvements, les frôlement et râlements de ces mâles. Dans son précédent film, déjà, Morel revendiquait ce choix esthétique, reprochant souvent le désintérêt du cinéma pour l'homme. Pourtant, Le Clan est étrangement un film hétérosexuel filmé comme un fantasme homosexuel. Belles gueules, muscles saillants, peau luisant d'étalons sauvages. Torses nus et bien foutus. Corps torturés ou abîmés ou sublimés. Même les plus hétéros ont d'ailleurs des rapports homos (branle devant porno, culte du corps en salle de gym, sodomie...). Jusqu'à la dernière partie, la plus optimiste, qui s'achève sur une histoire d'amour entre mecs.
Le Clan c'est une histoire de mecs : de frères (trois), de père (dépassé), de patron (père bis), de potes (parasites), de pute (un mec en perruque blonde). Et puis l'OVNI - Salim Kechiouche - à part, ami fidèle, amant astral, rêveur qui aime voler dans les airs pour finalement s'exiler. On le comprendra : les personnages sont bien construits. Les équilibres, bien respectés. Mais il y manque une fluidité...
Cela provient d'un scénario relativement absent, fonctionnant par éclipses, où l'on suit trop la réalité de leurs vies en oubliant la fiction des événements. L'allégorie l'emporte sur la compréhension des situations. Et puis Morel a de la difficulté à assembler son puzzle : observation documentariste sur les jeunes d'aujourd'hui, film pulsionnel et décalé, à l'image de cette séquence d'ouverture rock et menaçante, références au cinéma russe ; il a du mal à contrôler toutes ses influences et déverse pêle-mêle toutes ses idées.
Prise une par une, aucune ne sonne faux. Morel a un sens inné pour nous plonger dans ambiances étrangères, hier l'Algérie, aujourd'hui les cités. Il décrypte l'ennui et les origines du mal (mâle?). Bières, clopes, gym, joints, came, sexe... aucun tabou ne nous est épargné ("Tu veux qu'j'te rase le cul"). Aucun érotisme non plus. Cinéma cru. Plus inquiétant, cet inceste social : ils restent entre eux, baisent entre eux, bouffent au Macdo et gerbent entre eux. Car ces monstres "primitifs" (Nicolas Cazalé, magnétique) ou cyniques (Stéphane Rideau, brut de décoffrage) créent leur prison - le corps ou le job -, se foutent la pression (aliénante dans les deux cas) et ne remplissent jamais leur tête. Les hormones, pas les neurones, si nous simplifions. "Tu sais, faut se méfier d'un cheval qu'est pas encore dressé." Le mâle est animal.
Les déchirures affectives arrivent à point pour nous soulever un peu d'émotion, insérant de la douceur de ce monde de brutes. Une douceur malsaine puisque douloureuse, mais qui renvoie aux failles de la vie, et donc à sa beauté. Hélas ces instants de grâce sont trop rares. Et avec l'absence d'innocent (même le junior du trio n'est pas irréprochable), cette racaille canaille apparaît trop souvent comment de la pacotille. Ce trio d'anges miséricordieux ne parvient pas à nous emmener ailleurs que dans leur décor sordide. L'histoire de vengeance tombe à plat. En fait toute tentative de dramatisation est avortée, comme si les scénaristes complexaient à l'idée d'écrire un film qui captive pour des raisons "moins nobles" comme le simple fait de créer des rebondissements fictifs. Quelle honte?
A force, le film se perd dans ses propres détours. Déviation qui nous mène à des cul-de-sac. Il faudra attendre le portrait du plus jeune des frères pour respirer un peu : le romantique. Celui qui cherche l'amour et sa place dans le monde. Exclu des différents clans, il en est pourtant un élément permanent. Il est le trait d'union. De tous, c'est lui qui parvient à mieux s'extraire de la réalité. Dans cette loi de la Jungle - violence, travail, sexe - il croque la pomme à pleine dent : une beauté tentatrice, vénéneuse, ténébreuse. Mais l'histoire d'amour est amère. Et du coup nous cloue au sol, une fois de plus. L'ambition de faire un film lyrique est définitivement oubliée. A l'image de Marc, nous sommes cabossés, en rééducation. Partagés entre les intentions sincères et un malaise perceptible. "Ici les Arabes pédés on s'les arrache. Ca va, j'me suis fait arraché." Le voyeurisme serait-il une clef pour capter l'essence des images de Gaël Morel? Dans ce cas, il y manque une forte dose de fascination pour nous rendre complice. Bref, faisant parti du clan.
 
vincy

 
 
 
 

haut