Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Space Cowboys


USA / 2000

06.09.00
 



VIEUX DEBRIS





"- Ces hommes sont des pionniers de l'espace... ils étaient là quand les fusées sont nées..."

Que c'est rajeunissant de voir un film qui divertit intelligemment, tout en lançant des messages à un public loin d'être préciblé. Les jeunes s'extasieront avec Eastwood qui se prend pour Moonraker dans une parodie d'Armageddon. Les moins jeunes (ceux qui ont connu Clint, Donald, James et Tommy Lee sans rides) apprécieront le sens de l'auto-dérision (les dialogues sont pleins d'humour). Mais surtout, on applaudira devant ce vrai western de début de siècle, et cette réflexion sur le temps qui passe, et qui repasse, quitte à froisser quelques muscles et friper quelques vieilles peaux.
Tout commence en noir et blanc (une photo rappellant The Misfits), en 58. Désert, casse-cous et casse-couilles, et soleil au zénith. On se croierait dans un John Ford. On attend les indiens... l'ennemi n'a pas encore pointé son nez. La guerre froide n'est pas encore déclarée. L'équipe sauvage nommée Dédale (et oui le plus court chemin n'est pas forcément le plus droit, si l'on en croit leurs itinéraires à chacun) crashe un à un les avions les plus modernes, les poussant à leurs limites les plus extrêmes. La NASA (et un chimpanzé) mettra fin à leur rêve d'aller dans l'espace.
40 ans après (et John Glenn en premier retraité dans les étoiles) et nos héros, après avoir pris un peu d'étoffe, du bide, et des cheveux gris, vont enfin pouvoir accéder à leur vieux rêve. Le vieux temps n'a pas que du bon, et le temps présent c'est parfois plus intéressant. Car Space Cowboys est un film sur le temps. Il y a ce compte à rebours de ce satellite russe qui nous menace. Il y a ces quelques secondes avant de rentrer dans l'atmosphère. Il y a ces années où les gens meurent sans qu'on s'en rende compte (ou trop tard). Et ces décennies à ne pas oublier les humiliations et les frustrations. Il y a le temps où l'amour existait encore. Et où la mort est venue l'anéantir. Il y a ces espaces temps où des amis ne se parlent plus, ne changent pas et s'aiment tout autant. Enfin il y a ces mois ou ces jours ou ces années qu'ils nous restent à vivre, avec l'envie de les vivre ou l'amertume de les craindre. Toutes ces notions emplissent ce film. Lynch nous avait raconté l'histoire d'un vieil homme qui suivait une ligne droite, à sa vitesse, pour boucler sa vie et fermer son "vortex" personnel. Eastwood, dans un autre genre, plus populaire, à son image, nous bluffe avec ces 4 "retraités" qui ne manquent pas d'air, ces têtes brûlées, ces papys volants, qui cherchent à accomplir un vieux rêve. Avec volonté et acharnement, chacun y voit là la récompense de sa patience. Et peu importe ce qu'il y a eut dans leur vie entre 58 et 99 : amour, foi ou richesse...
Même si justement, entre temps, il y a eu la guerre froide, des satellites russes armés jusqu'aux turbo-réacteurs, et des blancs becs qui connaissent tous les microprocesseurs mais pas les vieux engins prêts à tomber en lambeaux. La transmission du savoir est un sujet mal exploité par le cinéaste-acteur-producteur, mais il est sous-jascent, puisque l'inexpérimentation des jeunes astronautes conduisent la relève à être des recrues sénior. Une faille dans le système. Ce n'est pas la seule que pointe Eastwood d'ailleurs : l'echec de la Guerre Froide, la nécessaire alliance entre les deux grandes puissances et ses conséquences. Encore une fois, l'ex détective Harry scrute l'amérique, et ce coup-ci par le télescope : son mythe (la conquête spatiale), sa dépendance des technologies (thème de plus en plus récurrent à Hollywood), et ses relations avec la planète Terre.
Les Space Cowboys ce sont des pionniers qui avaient une utopie, apolitique, et purement humaine. C'est une aventure intérieure à l'extérieur de notre stratosphère. C'est partir au delà de l'ultime frontière, plus loin que l'Ouest et le Pacifique pour ceux qui rêvaient de conquérir l'Amérique. Et le fait que ce rêve, quelque soit l'âge, soit atteignable en fait un film non seulement optimiste, mais surtout une preuve comme quoi il faut maîtriser le temps et savoir attendre. Tout n'est pas que jeunesse, beauté, fougue et spontané. Tout ne se vit pas "live".
Il serait injuste d'oublier trois choses dans ce très bon film d'action. Les effets spéciaux, tous très beaux, qui contribuent à la plasticité d'un film éclairé à la perfection. Le quatuor d'acteurs, tous très grands, vieux briscards mais si charismatiques, complices n'ayant rien à perdre mais prêts à tout dévoiler pour le spectacle : le touchant Tommy Lee Jones (il a les meilleures scènes dont celle toute droit tirée d'un western, en amoureux qui se confesse, face à une nuit étoilée), le libidineux et graveleux Donald Sutherland, ou encore le spirituel mais iconoclaste James Garner, sans oublier le match Cromwell-Eastwood, et l'arbitrage de William Devane. Un vrai plaisir de cinéma de voir ces légendes s'amuser comme s'ils faisaient encore leurs cascades de jeunesse. Même à poil, ils montrent que le 3ème âge a encore son mot à dire devant la caméra (pleine de rythme).
Et puis le troisième point qui en fait un film hors du temps, magnifique et poétique, humain et mythologique, c'est la scène finale. Avec un séduisant mouvement de caméra, le réalisateur Eastwood filme ce qui sera un jour un squelette, ce qui fut avant tout un rêve de gosse. Une belle lune qui se reflète dans la terre. Une terre qui se mire dans un casque. Et une chanson de Sinatra ("Fly to the moon") qui nous envole vers l'infini, et au delà.
 
vincy

 
 
 
 

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