Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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American Psycho


USA / 2000

07.06.00
 



LAND OF CONFUSION





"- Mes nuits sanglantes ont envahit mes jours...."

Ce n'est pas le choc annoncé. Et ce n'est pas l'adaptation d'un livre qui est critiquée, mais bien le film en soi-même. Dans la lignée de Fight Club et The Beach, American Psycho est avant tout un regard extérieur et schyzophrénique sur notre société actuelle, ou plutôt les névroses (psychoses) qu'elle entraîne à force d'extrêmes et d'ultra-matérialisme.
Si Fincher était logiquement sombre et confus et Boyle naturellement superficiel et optimiste, Mary Herron, plus proche de la violence de Fight Club, livre une oeuvre cliniquement froide et bestialement instinctive; American Psycho est une aliénation mentale où l'être humain est inutile et riend 'autre qu'un vulgaire pion d'une société écrasante et manipulatrice.

Tout commence avec des gouttes de ... sauce tomate. Nous suivons les errances post-after hours (scorsesiennes) d'un yuppie (moins puant que les autres en apparence). Hors l'apparence est primordiale, et derrière les beaux discours politically correct, peut se cacher un véritable monstre. Sous le maquillage, la folie.
Puisque ce "héros" des temps modernes fait écho à Edward Norton et Leonardo Di Caprio, constatons que prendre soin de soi, d'un point de vue esthétique et narcissique, peut aussi signifier qu'on se répugne tel qu'on est. Par delà le culte du corps, les crèmes de beauté, les costumes Cerruti, il y a un esprit dérangé (qui s'avoue déjanté) qui ne sait plus comment se repérer, qui n' a plus aucune valeur pour prendre du recul par rapport à une société qui nous fabrique nos envies, nos besoins, nos rêves, nos fantasmes. Et nous crée des comportements fantasques.
Voir Bale à poil, en slip ou en caleçon (florilège du sous-vêtement de l'homme style "Men's health"), en train de faire sa muscu ou son make up, ne rassure pas sur l'avenir de l'homme. Mary Herron, par l'intermédiare d'Ellis, crée l'homme nouveau, dans son aspect le plus fascisant, c'est à dire le plus intolérant, le plus méprisant; parmi tous ces clônes à cravates "calvin kleinés", il y en a un qui met à égalité - avec horreur - le SDF et la pûte, le richissime yuppie et la vieille mémé, et qui les bûte sans regrets.

Le premier meurtre n'intervient que 25 minutes après le début du film. En contrastant lieux sordides et endroits chics, la réalisatrice fait monter la pression et croître la menace qui pèse sur New York à travers cet ante-Christ serial-killer.
Autour de lui, un casting "top-tendance" avec Reese, Chloe, Samantha mais aussi Willem Dafoe. En Jack l'Eventreur victime des années 80 (Ronald Reagan, Phil Collins, Wall Street, Whitney Houston, ...), Bale est totalement crédible. Le baignant dans un univers immaculé et inquiétant, blanc avec quelques touches de noir, où la coke cotoie les films pornos, Herron ne fait pas dans la dentelle et donne à son serial-VIP une façade insoupçonnable.

Mais le cerveau, une fois lavé par l'ultra-libéralisme, n'est plus capable de réfléchir. Quand on en est à faire un cours sur la carrière de Huey Lewis and The News ou comparer les cartes de visite de chacun (attention! il y a des nuances dans la police de caractère, le gauphrage du papier, ou même la couleur coquille d'oeuf de la carte), on peut s'attendre à tous les délires meurtriers : jusqu'à la tronçonneuse qui massacre. On s'attendait à plus trash...
Comme Fight Club, comme The Beach, American Psycho démontre, à l'instar de ce que disait Rousseau, que c'est la société qui rend l'homme mauvais. Quand un subconscient en vient à ne voir que de la viande, des os et du sang dans ces mots-croisés ou dans son agenda, on peut s'inquiéter sur sa santé mentale. Paroxysme névrotique. Sa furie assassine est d'autant plus inquiétante que Bateman pourrait être n'importe qui, et ressemble à tous les quidams de son genre. D'ailleurs on le prend aisément pour quelqu'un d'autre...

Ce qui distingue American psycho c'est bien la libido de son héros. Une libido de haut niveau, où il glace le sang en baisant; une partouze (il y en a deux) où il se fait l'amour à lui-même, se regardant dans le miroir, se gonflant les biceps. Bale joue comme Cruise (Eyes Wide Shut), ressemble à Cruise (Magnolia), mais pousse son personnage aux bords de l'abyme...
Car s'il n'est pas mieux réalisé que Fight Club, il est moins amer que The Beach dans le message délivré. Finalement, sa confession, ses aveux ne servent à rien. On efface ses crimes comme on efface un disque dur. On déresponsabilise le monstre que nous avons créé. Tout cela reste au sein d'un club de connaisseurs. Un club où les femmes ne sont que des poupées, où les hommes sont improductifs (dans tous les sens du terme); leurs prétextes et dialogues sont toujours futiles; leurs vies sont vides. Ils ne travaillent qu'à commenter la réussite des autres et à assurer la leur.
Au milieu de tout ça, Bateman fait tâche. Ou révèle simplement un mal profond enfoui en chacun de nous. En reprenant un thème kubrickien (l'instinct animal chez l'homme) et en adhérant à la mode des films cyniques et révoltés, Mary Herron signe un pamphlet provocateur, maîtrisé, trop vrai pour laisser indifférent ... il nous renvoie le douloureux reflet de ce que nous sommes : des pantins virtuels qui cherchont à donner un sens existentiel à tout cela.
 
vincy

 
 
 
 

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