Le cinéaste palestinien Rashid Masharawi  à l’honneur dans les salles et au Panorama des cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient

Le cinéaste palestinien Rashid Masharawi à l’honneur dans les salles et au Panorama des cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient

Découvert en 1993 à la Semaine de la Critique avec son premier long métrage Couvre feu, Rashid Masharawi, cinéaste palestinien né dans un camp de réfugiés à Gaza, s’est imposé depuis plus de 30 ans comme une voix importante venue de Palestine. Réalisateur prolifique et engagé, il a construit une œuvre singulière et puissante, forte de 6 documentaires et 8 longs métrages de fiction, dont Haïfa (1996), Ticket pour Jerusalem (2002) et L’anniversaire de Laila (2008).

Il est également particulièrement engagé dans la promotion du cinéma palestinien et a fondé, en 1996, le Centre de production et de distribution cinématographique de Ramallah afin de pouvoir accompagner le cinéma local dans les camps de réfugiés. Il a également mis en place le fonds Masharawi pour les films et cinéastes de Gaza afin de former de nouvelles générations de réalisateurs et de réalisatrices dans la région.

Des témoignages contre le silence

En février dernier, on découvrait sur les écrans son nouveau projet : From ground zero, une œuvre collective constituée de 22 courts métrages tournés par des cinéastes gazaouis depuis le 7 octobre 2023. Une oeuvre chorale protéiforme qui documente ce qu’est la vie dans un pays en proie aux bombardements incessants, aux déplacements de population, à la mort omniprésente, à la peur et aux privations de toutes sortes. L’idée de Rashid Masharawi était de permettre à ceux qui vivent quotidiennement la violence et les exactions de faire entendre leur voix, et de raconter avec leurs propres mots ce qu’ils traversent.

Il faut voir ces 22 films, faire la connaissance de ces 22 auteurs et autrices, de celles et ceux qu’ils filment, et des histoires qu’ils mettent en scène. Ce cinéaste qui s’excuse auprès du cinéma, parce qu’il n’a plus le temps de penser à lui, tout occupé qu’il est à tenter de survivre et de nourrir sa famille (Sorry cinema de Ahmed Hassouna). Cet instituteur qui rentre bredouille après une journée passée à chercher de l’eau, de la nourriture, ou tout simplement de quoi recharger son téléphone portable, à l’intérieur du camp de réfugiés où il vit (The teacher de Tamer Nijim). Ce jeune homme qui pleure la mort de sa fiancée (Jad and Natalie de Aws Al Banna). Cette fillette qui espère retrouver son père dans les décombres de sa maison (No signal de Muhammad Al-Sharif). Ces parents qui écrivent le nom de leurs enfants sur leurs corps, pour pouvoir reconnaître leurs corps en cas de bombardement (Soft skin de Khamis Masharawi). Et ainsi de suite.

Il est facile de gloser sur la guerre de loin. Mais il faut voir un film comme From ground zero pour en ressentir la réalité la plus crue, la plus banale car la plus terre-à-terre. La manière dont les actions les plus simples deviennent insurmontables. Comment les priorités sont renversées, renvoyées aux éléments les plus primaires : survivre. Et, heureusement, créer. C’est là la plus grande leçon du film. Cette nécessité chevillée aux corps de ces artistes qui, quelles que soient les circonstances, continuent de faire ce qu’ils font le mieux : utiliser leur caméra comme une arme pour témoigner et ne sombrer ni dans l’oubli, ni dans la folie.

Les rêves de tout un peuple

En parallèle, Rashid Masharawi sort également sur les écrans français son nouveau film, Songe, tourné avant le 7 octobre 2023. Il s’agit d’un road-movie dans les territoires palestiniens, suivant le jeune Sami (12 ans), son oncle et sa cousine, lancés dans une quête en apparence improbable : retrouver le pigeon voyageur de l’adolescent, qui s’est enfui de chez lui pour – probablement – retourner chez ses anciens propriétaires. D’un camp de réfugiés en Cisjordanie à la ville de Haïfa, en passant par Bethléem et Jérusalem, le petit trio nous sert de guide, et nous permet de découvrir de l’intérieur le quotidien (alors tranquille) des habitants. Les rues animées de la vieille ville de Jérusalem, les checkpoints, la mer que l’on entend de loin dans la nuit de Haïfa… Il y a beaucoup de tendresse, et parfois d’humour, dans la manière dont le cinéaste filme les lieux, leur animation, leur ambiance particulière, propre à chaque endroit.

Le périple est aussi l’occasion d’une succession de rencontres qui dessinent les contours d’un territoire et d’une certaine façon de l’habiter, entre résignation, autodérision et combativité. On y devine alors en filigrane les rêves et les aspirations – minuscules, dérisoires, ou grandioses – d’une population qui oscille entre le risque d’asphyxie et une incommensurable soif de vivre. Quitte, parfois, à flirter avec une certaine forme de naïveté, une mécanique d’écriture un peu répétitive, et même un symbolisme un peu appuyé – celui du pigeon, notamment. Pourtant, c’est l’humour qui l’emporte, habilement secondé par l’énergie et l’espoir qui irradient du récit. Et c’est dans sa dimension de conte comico-tragique que le film est finalement le plus réussi, désarmant par son absolue sincérité.

Hommage lors du Panorama des cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient

L’occasion était trop belle de mettre en avant, par la même occasion, le reste de l’oeuvre de Rashid Masharawi. Il est donc l’invité d’honneur du 20e Panorama des cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient qui se tient jusqu’au 14 avril au cinéma l’Écran à Saint-Denis, et dans différentes salles de Paris et du Grand Paris. Ses deux derniers films, Songe et From Ground zero seront ainsi projetés en sa présence, ainsi que L’anniversaire de Leila qui fait l’ouverture dyonisienne du festival le 4 avril. De nombreux autres longs et courts métrages seront présentés pendant toute la quinzaine, dont deux films de Randa Maroufi (Bab Sebta et The Park), De bas étage de Yassine Qnia, ou encore At night, the red sky d’Ali Razi, parrain de cette 20e édition.