
Premier long métrage du japonais Yuiga Danzuka, Brand New Landscape, projeté à la Quinzaine des Cinéastes, en a malheureusement les défauts. Explications.
Dans le quartier de Shibuya à Tokyo, tout change. Ren y travaille comme livreur d’orchidées papillon mais, hanté par la porte de sa mère Yumiko qui s’est suicidée 13 ans plus tôt, il ne parle plus à son père Hajime. Seulement, quand celui-ci refait surface à Tokyo, la situation semble prendre un nouveau tournant.
Personnel vs universel
Brand New Landscape débutait bien. Cette famille tout ce qu’il y a de plus « classique » respecte tous les critères… pour mieux imploser ? Un père constamment au téléphone, une mère très vite affairée dans la cuisine, une adolescente qui sent les choses sans vraiment les comprendre, un fils préado qui n’a que jouer au foot avec son père à l’esprit. Mais très vite, alors même que le père négocie avec sa femme afin qu’il rentre plus tôt que prévu à Tokyo pour le boulot, nous comprenons une chose : il faut s’accrocher devant ce film à l’extrême lenteur. Du phrasé à l’enchaînement des répliques en passant par la durée des plans, le film de Yuiga Danzuka pose ses bases pendant si longtemps que l’on en vient à se demander quand « l’action » commence véritablement.
Pour narrer le destin d’une famille brisée par les ambitions professionnelle d’un père médiocre, le cinéaste qui a suivi les enseignements de Kunitoshi Manda et Takashi Ujita prend tout son temps. Quitte à répéter des éléments du scénario : le père (Endo Kenichi) a réussi dans l’architecture, Ren (Kurosaki Kodai) fait du surplace et n’a pas vraiment de but dans la vie tandis que sa soeur Emi (Kiryu Mai) veut avancer dans la sienne en se confrontant directement à ses problèmes d’engagement. Mais le temps qui n’avance pas dans Brand New Landscape est un rappel que faire un film trop personnel empêche parfois son public de se l’approprier.
C’est un choix artistique. Celui d’un réalisateur qui dédie ainsi son film à sa mère – comme une manière de rappeler que ceux qui survivent à nos côtés ne sont pas toujours ceux dont l’influence est la plus marquante – et à Tokyo. Voilà sans doute pourquoi Ren, le personnage principal, qu’on aurait tendance à voir comme très inspiré de Yuiga Danzuka lui-même, se complait dans un mutisme écrasant et agaçant. Pour ses proches comme pour le public qui aimerait comprendre où il se situe véritablement dans le bouleversement qu’il génère en contraignant sa sœur particulièrement amère à revoir un père qui les a abandonnés 3 ans seulement après la mort de leur mère… Yuiga Danzuka se sert d’ailleurs de la rancœur d’un personnage pour assainir celle de son protagoniste au cours d’un repas des plus gênants !
Aller plus haut, aller plus loin
Tentative alambiquée de dresser le portait d’un monde qui change, Brand New Landscape est une relative déception. Les immeubles poussent et repoussent les plus défavorisés toujours plus loin. Les familles de sang se déchirent plus facilement car les citadins ont intégré la notion de famille « de coeur ». Mais les traumas du passé viennent constamment nous hanter. Autant de faits qui auraient pu être mis en scène de manière plus ingénieuse ou originale car en plus de la famille, la mise en scène aussi est classique.
Quelques moments clés viennent sauver l’ensemble du ratage complet : l’apparition inespérée de Yumiko (Igawa Haruka), la mère de Ren et Emi qui ne relance pas assez la dynamique du film, le renvoi de Ren aussi brutal que drôle et la complicité entre Emi et Maki, son éventuelle belle-mère. Ce que ce film présenté en première mondiale réussit néanmoins c’est nous assurer que même quand tout le monde vous abandonne, vous n’êtes jamais vraiment seuls à Tokyo. C’est déjà ça.
En définitive, ce drame familial baigné dans une critique proprette de l’écosystème changeant de la capitale japonaise avait tout pour nous emballer sur le papier mais il n’y parvient jamais vraiment à l’image. Espérons que pour son prochain film, Yuiga Danzuka passera la 3e !
Brand New Landscape.
Cannes 2025.Quinzaine des Cinéastes.
Durée : 1h55
Scénario : Danzuka Yuiga
Son : Iwasaki Kanshi
Musique : Teranishi Ryo
Photographie : Furuya Koichi
Montage : Majima Uichi
Décors : Nonogaki Satoshi
Avec Kurosaki Kodai, Endo Kenichi, Igawa Haruka, Kiryu Mai,Kikuchi Akiko, Nakamura Aoi, Nakayama Shingo, Yoshioka Mutsuo, Su Yuchun, Hattori Misaki, Ishida Riko, Arao Rintaro