
Royaume-Uni, 1982. Une jeune anglo-japonaise entreprend d’écrire un livre sur la vie de sa mère, Etsuko, marquée par les années d’après-guerre à Nagasaki et hantée par le suicide de sa fille aînée. Etsuko commence le récit de ses souvenirs trente ans plus tôt, lors de sa première grossesse, quand elle se lia d’amitié avec la plus solitaire de ses voisines, Sachiko, une jeune veuve qui élevait seule sa fille. Au fil des discussions, l’écrivaine remarque une certaine discordance dans les souvenirs de sa mère… les fantômes de son passé semblent toujours là – silencieux, mais tenaces.
Adapté du premier roman de Kazuo Ishiguro, Prix Nobel de Littérature, Lumière pâle sur les collines cale un peu dans sa version cinématographique. Le film semble parfois gravir une montagne insurmontable par ses ambitions.
L’histoire se situe en 1952. Sans doute est-ce pour cela qu’on hume tout au long du film le parfum des films de Yasujiro Ozu, avec ces scènes du quotidien, cette forme de simplicité des événements et ce sentiment d’impertinence, et de Kenji Mizoguchi, par son féminisme et sa dimension tragique.
Un film d’une autre époque
Cette histoire de femmes dans un Japon en mutation n’a rien de neuf. Le réalisateur Kei Ishikawa ne sort pas des sentiers battus, hormis quand cette histoire étrange de serial killer rode autour du drame.
« Les femmes doivent se réveiller »
Mais là n’est pas l’enjeu. Ce fait divers porte bien son nom : il s’agit d’une diversion. Le drame se noue ailleurs, sous nos yeux, sans qu’on ne le devine. Lumière pâle sur les collines, dans son contexte post-Hiroshima/Nagazaki, croise deux destins de femmes. L’une doit se satisfaire de son rôle d’épouse et de mère au foyer. Pour combler sa solitude, elle se lie à une autre mère, célibataire, marginalisée par son attitude de femmes occidentale. Dans ce Japon où les édifices modernes assurent un confort aux classes moyennes, l’existence dans une maison vétuste et précaire accentue son isolement.

Il faut toute la splendeur d’une image lumineuse, pleine d’éclat et de brillance, pour maintenir notre intérêt. Le récit semble ne rien avoir à raconter d’autre qu’une époque, entre renaissance pleine de vitalité, colonisation américaine, déni d’un trauma national. Un saut dans le temps, trente ans plus tard, dans une Angleterre plus terne, plus sombre, nous permet d’entrevoir une issue un peu plus complexe.
« Tout le monde doit changer »
L’émotion a du mal à nous effleurer. Le scénario est beaucoup trop scolaire, avec ses flash-backs et ses routines, son goût du riz et du thé vert, tendance camomille. Même l’évocation de la bombe nucléaire semble trop sage. Plutôt que des irradiés, on perçoit davantage un regard sur des égarées. Mais n’est-ce pas lié? Las, les lourds secrets censés servir d’appât au spectateur ne font que l’évader dans ses propres songes. D’autant que le « twist » crucial est mal amené, mal construit.
Suspense en suspens
Ce jeux de faux-semblants éthéré où les apparences sont trompeuses aurait pu nous captiver. Entre la honte et les mensonges, la culpabilité et les faits, l’imagination et le réel, il y aurait eu de quoi en faire un drame plus complexe psychologiquement.
Pâle lumière sur les collines se révèle ainsi lisse et convenu. Un film crépusculaire qui cherche dans ses souvenirs une étincelle optimiste et ne trouve qu’une nostalgie idéalisée. De la musique sentimentale à la révélation finale, on glisse lentement (pourtant le film ne dure que 87 minutes) vers un mélodrame sans aspérité.
Sans doute parce qu’il ne fait qu’effleurer ses sujets : trauma historique,condition des femmes ou encore conservatisme d’une société. Tout ce qui aurait pu rendre un film intéressant ou, au moins, intriguant. Il disposait de suffisamment de bonnes pistes pour être moins didactique et superficiel, et s’affranchir du roman. Or, jusqu’à l’épilogue, on ressent cette impression de déception. Comme si l’imaginaire et le fantastique avaient été laissés à l’abandon au profit d’une jolie fiction un peu narcissique.
Pâle lumière sur les collines (A Pale View of Hills)
Cannes 2025. Un Certain Regard.
1h27
Sortie en salles : 15 octobre 2025
Réalisation : Kei Ishikawa
Scénario : Kei Ishikawa, d'après Lumière pâle sur les collines de Kazuo Ishiguro
Image : Piotr Niemyjski
Musique : Paweł Mykietyn
Distribution : Metropolitan
Avec Suzu Hirose, Fumi Nikaidō, Yō Yoshida, Camilla Aiko...