Cannes 2025 | Exit 8 : labyrinthe sans fin pour un homme dépassé

Cannes 2025 | Exit 8 : labyrinthe sans fin pour un homme dépassé

Un homme piégé dans un couloir de métro cherche la sortie numéro 8. Pour la trouver, il faut traquer les anomalies. S’il en voit une, il fait demi-tour. S’il n’en voit aucune, il continue. S’il se trompe, il est renvoyé à son point de départ. Parviendra-t-il à sortir de ce couloir sans fin ?

C’est le principe même du film conceptuel. Exit 8 nous entraîne dans un cercle infernal : une boucle perpétuelle, à moins que ce ne soit un labyrinthe sans issue. La sortie numéro 8 s’avère aussi inatteignable que la sortie des enfers pour Orphée.

Or, malgré sa courte durée de 95 minutes, ce long métrage se prend les pieds dans son propre piège. Il ne sait pas comment s’échapper de son pitch systémique. À partir d’une idée assez ingénieuse, adaptée d’un jeu vidéo, Genki Kawamura nous happe durant la moitié de son film : un homme est dans le métro, il capte mal une conversation cruciale avec sa compagne, et décide de revenir à l’or libre. Il se dirige vers n’importe quelle sortie, la 8. Un chiffre qui symbolise l’infini en position horizontale, et qui revient toujours en son centre quand on l’écrit. Car, malheureusement pour lui, une fois dans le couloir, après quatre virages, il revient toujours au point de départ.

C’est un jeu de sept erreurs qui se propose à lui. À chaque fois qu’il ne repère pas une anomalie ou un changement dans on itinéraire, il est sanctionné et doit refaire son périple souterrain. Tel Sisyphe, dont le châtiment consistait à pousser une pierre au sommet d’une montagne, d’où elle finissait toujours par retomber.

« Ne négligez aucune anomalie »

Mais le film, lui, tourne vite en rond et, contrairement au boléro de Ravel (décidément très en vogue ces derniers temps au cinéma), ne se déploie pas dans une envolée lyrique à la limite de la transe. Par facilité scénaristique aussi bien que par remplissage inutile, on lui insuffle en bonus un enjeu psychanalytique pesant et peu original. Comme si le concept même de cet homme-hamster qui tourne continuellement dans sa roue ne suffisait pas à combler ou inventer un enjeu dramatique.

Kawamura n’a pourtant pas manqué d’inspiration. En filmant cet homme banal, paumé (géographiquement et psychologiquement), en créant un environnement déshumanisé même dans un métro bondé, le réalisateur nous emporte très vite dans cette spirale qui semble sans fin. Sa caméra, souvent subjective, ne cesse de vouloir rendre immersive l’épopée du perdu dans le métro. Les plans séquences sont soignés et les angles de vue ne souffrent d’aucune fausse note.

Y a pas d’soleil sous la terre
Drôle de croisière

Hélas, il a voulu donner un sens à cette matrice cauchemardesque. Le next-door guy est oppressé par sa compagne qui lui annonce être enceinte. Il doit décidé de son destin : être père ou pas. Passons sur l’aspect patriarcal de cette dramaturgie de feuilleton. Tout cela créé chez lui une panique qui le désoriente. Exit 8 se mue alors en allégorie d’un choix existentiel : l’envie (ou pas) de paternité.

Certes, on s’amuse à deviner les anomalies/erreurs/changements qui feraient avancer le personnage. Las, le réalisateur décide, à cause de cette angoisse parentale, de nous sortir du couloir de métro pour des images dignes d’une romance de gare afin d’illustrer l’éventuel bonheur d’avoir un mini-soi. En sortant du huis-clos, il nous sort du film et démontre l’impasse dans laquelle Exit 8 s’est fourvoyé.

Ainsi, l’homme perdu, à l’esprit tortueux, comme son parcours, nous captive. D’autant qu’il y a du sang, du semi-horrifique, un chat noir, de l’étrange, un inconnu qui marche, un enfant … Le futur père, rongé par la culpabilité, nous emmerde. « Turn back » aurait-on envie de lui dire. On se demande même si ce qui le rend dingue est cette sortie de métro inaccessible ou cette entrée dans le monde adulte. La progéniture n’est-elle pas elle-même une anomalie? Ou simplement un changement qui modifie le cours des choses…

Peu importe, on est déjà ailleurs. On a trop vite compris le récit systémique qui confine à l’exercice de style. Il faut l’épilogue pour nous remettre sur les rails (du métro) et apprécier l’ultime twist malicieux après quelques égarements. The Game is (not) over.

Exit 8
Cannes 2025. Séance de minuit.
1h35
Sortie en salles : 3 septembre 2025
Réalisation : Genki Kawamura
Scénario : Kotake Create, Genki Kawamura et Hirase Kentaro
Musique : Shouhei Amimori et Yasutaka Nakata
Image : Keisuke Imamura
Distribution : ARP Sélection
Avec Kazunari Ninomiya, Yamato Kōchi, Naru Asanuma, Kotone Hanase, Nana Komatsu