
George Fahmy, l’acteur le plus adulé d’Egypte, accepte sous la contrainte de jouer dans un film commandé par les plus hautes autorités du Pays. Il se retrouve plongé dans le cercle étroit du pouvoir. Comme un papillon de nuit attiré par la lumière, il entame une liaison avec la mystérieuse épouse du général qui supervise le film.
Deux procureurs, Eddington, L’agent secret et donc Les ailes de la république. Cette année, les cinéastes semblent inspirés par l’autoritarisme, le complotisme et la violence de systèmes politiques néofascistes ou dictatoriaux. Tarik Saleh s’attaque directement à celui d’Abdel Fattah al-Sissi, président de l’Egypte.
Et il n’y va pas par quatre chemins. Il décrit le régime impitoyable sous ses aspects les plus obscurs. La censure des films, la manipulation de l’information par les médias étatiques, la surveillance des citoyens, et les méthodes pour les « contrôler » : enlèvement, torture, chantage, disparition, emprisonnement arbitraire, assassinat… N’en jetez plus. Au pays des Pyramides, il faut admirer Sissi l’imperator.
Complot et conspiration se marient alors dans cette fiction où un clan rapproché tente de se débarrasser du président. Au milieu de ce capharnaüm, une star légendaire du grand écran (Fares Fares, toujours aussi charismatique) doit accepter de se compromettre avec le pouvoir pour protéger son fils mais surtout sauver sa carrière. Prix en étau, l’acteur ne cesse de se soumettre à un pouvoir auquel il ne cherche même pas à résister.
L’impasse
Subir plutôt que de combattre, ou même résister. En choisissant cette voie pour son scénario, Tarik Saleh enferme son récit dans un constat impuissant plutôt que dans un destin contestataire. Pessimiste, le thriller s’enfonce dans cette impasse. Pactiser avec le diable semble la seule solution, sans qu’aucune autre ne soit viable.
Certes, le cinéaste dénonce, sans vouloir être particulièrement subtil, ce régime dictatorial et sa propagande, son hypocrisie religieuse et les privilèges de sa nomenklatura, tout comme il montre superficiellement un pays qui n’est pas au mieux de sa forme économique.
« Vous banderez plus dur que le Sphinx. »
Malheureusement, les grosses ficelles du scénario, l’antipathie des personnages principaux et le bâclage des rôles secondaires empêchent cette fiction de produire l’effet d’une bombe pamphlétaire. Parfois, le propos s’avère même gênant dès qu’il s’agit du rapport aux femmes (tellement archaïque).
Once upon time in … Cairo
Quant à son « héros », qui a besoin de viagra pour satisfaire sa maîtresse du moment, on voit bien qu’il est couille molle. Son personnage ne fait rien pour qu’on puisse compatir à son sort, ou même avoir un gramme d’empathie, tant il est machiste, menteur, égocentrique et vaniteux, en plus d’être relativement stupide, s’entourant de gens qu’il méprise au détriment de ceux qui l’aiment. Le pharaon du cinéma est rétrogradé en simple pion du régime. « Cette affaire vous dépasse » lui dit-on. De fait. Mais il n’a jamais essayé d’être malin pour raisonner sa passion/pulsion pour la femme d’un ministre ou comprendre le complot qui s’ourdissait au-dessus de lui.

L’idiot utile en quelque sorte, en proie à quelques affres, dans une film qui passe son temps à regretter une époque où les égyptiens étaient le phare du monde arabe. Alors, certes, le récit se moque des censeurs (le cinéma est un art dégénéré) et de ces biopics de propagande à la gloire du dirigeant. Et tel Tarantino revisitant l’histoire dans Inglorious Basterds et Once upon a time in Hollywood, Tarik Saleh imagine une rébellion sanglante venue de l’intérieure façon Walkyrie.
Mais ces Aigles de la République ne décollent jamais assez haut pour nous faire voir autre chose qu’un film noir où la victime, qui se croit intouchable, paraît tout aussi responsable des actes de ceux qu’il condamne (et qui le condamnent).
Les aigles de la République
Cannes 2025. Compétition
2h09
En salles : 22 octobre 2025
Réalisation et scénario : Tarik Saleh
Musique : Alexandre Desplat
Photographie : Pierre Aïm
Distribution : Memento
Avec Fares Fares, Cherien Dabis, Lyna Khoudri, Zineb Triki, Sherwan Haji