Cannes 2025 | Fuori, une fuite en avant très vaine signée Mario Martone

Cannes 2025 | Fuori, une fuite en avant très vaine signée Mario Martone

L’écrivaine Goliarda Sapienza se retrouve en prison à cause d’une action totalement irréfléchie. Après sa libération, l’amitié entre elle et les autres détenues perdure, ce qui suscite l’incompréhension dans les milieux intellectuels qu’elle fréquente.

Fuori signifie Dehors en italien. Et de fait, on n’a qu’une envie, être libéré de ce pensum ennuyeux. Mario Martone n’a pas réussi à trouver l’équilibre entre le drame psychologique, le film biographique et le portrait de femmes avec cette composition artificiellement et inutilement complexe suivant une partie de la vie de Goliarda Sapienza, au destin pourtant romanesque.

À 55 ans, l’écrivaine, issue d’une famille antifasciste et anarchiste, un peu actrice dans sa jeunesse, sort de prison et cherche un emploi. C’est ainsi qu’il la dépeint, ou plutôt l’esquisse : une femme qui ne sait plus dans quel monde elle vit (le mieux). Chassée de l’environnement mondain, qu’elle a trahi, refusée par les éditeurs pour le manuscrit de sa vie, elle éprouve quelques difficultés à se réinsérer, et se résigne à trouver du réconfort au milieu de ses anciennes camarades de prison.

Tout au long du film et de ses allers et retours dans le temps, Martone semble ne pas savoir par quel bout prendre son histoire, entre cette femme seule en reconstruction et celle des taulardes. Le personnage de Goliarda paraît subir tous les événements, observatrice d’une vie où elle cherche toujours sa place. Valeria Golino déploie tout son talent pour la faire exister, mais le réalisateur n’a d’yeux que pour le personnage de Roberta, délinquante héroïnomane flamboyante (Matilda De Angelis). En se décentrant en permanence de son sujet, le cinéaste ne se facilite pas la vie pour donner de la chair et du nerf à son film.

Aussi beau soit-il, Fuori devient rapidement un film fuyant, vaporeux et liquide, où se succèdent des séquences et des dialogues stériles. Il accole ses scènes plus ou moins romanesques sans les relier entre elles. Tout élan dramatique est étouffé. Tout objectif mélodramatique est éteint. Du début à la fin, le spectateur assiste à des historiettes souvent insipides, tout en trouvant le temps long, et qui ne composent jamais, au final, le tableau espéré. Mais qu’espérait-on finalement?

À trop déstructurer la temporalité, à trop se complaire sur chacune des scènes sans qu’elle ne soit forcément intéressante, Mario Martone se complait dans un film très académique, assez désuet dans sa forme et plutôt ringard sur le fond. Même son regard masculin et voyeuriste sur ces femmes, cinglées ou dénudées tel qu’il nous les montre, paraît d’un autre temps. Ainsi cette scène où trois femmes cheveux au vent, crient et rient dans une décapotable pour une virée au bord de la mer (tout frais payés par un conducteur macho et adipeux italien). Et en gros caractère surlignés, le réalisateur qui nous dit : « regardez comme elles sont libres » alors que toute leur situation dit l’inverse.

On devine cette envie de montrer des femmes libres, loin des carcans imposés par la société. Mais avait-on besoin d’autant de clichés pour, au final, résumer la vie d’une écrivaine à un long voyage au bout de l’ennui, et ce, sans qu’il nous aide à l’aimer, la comprendre, ou même la connaître?

Fuori.
Cannes 2025. Compétition.
2h29
En salles : 3 décembre 2025
Réalisation : Mario Martone
Scénario : Mario Martone et Ippolita Di Majo
Musique : Valerio Vigliar
Image : Paolo Carnera
Distribution : Le Pacte
Avec Valeria Golino, Matilda De Angelis, Elodie, Corrado Fortuna, Stefano Dionisi