
Óscar Restrepo, poète en manque de reconnaissance, mène une existence solitaire marquée par les désillusions. Sa rencontre avec Yurlady, une adolescente d’un milieu populaire possédant un véritable talent d’écriture, va bouleverser le cours de sa vie. Il l’exhorte à se présenter à un concours national de poésie. Mais les choses ne se passent pas comme prévues…
Le deuxième long métrage de Simón Mesa Soto emprunte des chemins tortueux et pentus pour nous emmener dans ce drame intimiste centré sur un « loser » pris au piège de la diffamation.
Un poète est le portrait d’un homme contre qui le sort s’acharne. Est-il responsable de ce destin malchanceux? Tout dans l’attitude et dans le regard d’Oscar (Ubeimar Rios dont le jeu minimaliste impressionne) nous montre que sa vie est compliquée. Sa mère, avec qui il cohabite, sa sœur impuissante et lasse, ses confrères admiratifs mais égoïstes, ne le rendent pas vraiment sociable. Solitaire et alcoolique, il n’est à sa place nulle part, tout en cherchant à briller dans un art qu’il idéalise. La poésie.
On est au débit des années 1990 en Colombie. La chromatique du film renvoie aussi bien à cette époque vintage qu’à l’esprit terne de son anti-héros maudit. La quête de reconnaissance s’avère une lutte vaine, et il faut bien vivre, c’est-à-dire se compromettre.

Aussi pathétique soit-il, Oscar nous apparait sympathique. Autrefois brillant, il est désormais traité comme un déchet. Le réalisateur porte un regard subtil et sensible sur ce personnage. On en vient à le trouver touchant, même quand il est arrogant ou énervant. Cette empathie est l’une des forces d’un récit sobre qui aurait pu être déprimant. Le mal-être est palpable.
« J’aurai du me suicider à 30 ans. »
Or, il y a une certaine vivacité, jusque dans la mise en scène. Film réaliste, mais non dénué de dérision, Un poète n’est pas dépourvu d’une forme de lyrisme. Cependant, le scénario aurait pu s’enliser dans les méandres psychologiques de ce fils à maman, chômeur en quête de beaux vers au nom d’un absolu.

Quand il accepte un poste de professeur, le récit dévie. Il prend goût à la transmission. Une jeune élève s’avère douée et il transpose ses espoirs sur elle. Simón Mesa Soto opère doucement un virage vers une nouvelle histoire. On découvre les classes populaires de Medellin, des familles entassées et précaires. Sans oublier la « loose » d’Oscar. Presque difforme, chétif, il est continuellement rapetissé, rabaissé. Rien n’est clinquant chez lui. Alors que cette élève mélancolique et secrète, Yurlady (« Your lady ») aime le glamour (toc), les couleurs, sans doute pour masquer son manque de confiance en elle.
« Tu est un poème. Un poème assez triste ».
De manière invisible, le film a pris une direction inattendue. Après un certain éloge de la lenteur, le découpage s’accélère, les voix s’élèvent, le chaos domine. Une accusation suffit à tout emporter. Si la construction du scénario et les arythmies du montage produisaient jusqu’ici un drame peu attachant, Un poète s’emballe soudainement.
Être idéaliste, gentil, soumis n’est pas forcément la meilleure défense quand on subit une diffamation, une injustice et qu’on est entouré d’opportunistes. Le film mû alors en un procès où Oscar est la parfaite victime au milieu d’irresponsables et d’invidualistes.

Coupable facile dans ce quasi huis-clos (un appartement sert de lieu de négociations et de tribunal), ce pauvre homme est à plaindre. Mensonges, malentendus, fausses rumeurs, réputations et pesos corrompent tous les esprits, ceux de ses faux amis comme ceux des « Thénardiers ». La vérité importe peu. Un poète procède alors davantage de l’allégorie que de l’élégie. Porté par une rhétorique aussi efficace que jouissive, cette critique de la domination se révèle aussi une dialectique terrible sur la misère (intellectuelle) humaine.
Le film interroge ainsi les limites de l’honnêteté et de la responsabilité avec une jolie maîtrise, sans se renier formellement. Jamais. Quitte à parfois trop s’étirer. Mais ce raté reste relativement digne, même au fond du trou. Un film sur l’échec qui réussit insidieusement à nous séduire. Sans doute parce qu’Oscar ne sombre pas complètement et qu’il reste une ampoule allumée dans la noirceur qui l’entoure.
Un poète (Un poeta)
Cannes 2025. Un certain regard
2h
En salles le 29 octobre 2025
Réalisation et scénario : Simón Mesa Soto
Image : Juan Sarmiento G.
Musique : Matti Bye
Distribution : Epicentre
Avec Ubeimar Rios, Rebeca Andrade, Guillermo Cardona, Humberto Restrepo...
