Cannes Classics | Kevin Smith apôtre de la résurrection de « Dogma » pour son 25e anniversaire

Cannes Classics | Kevin Smith apôtre de la résurrection de « Dogma » pour son 25e anniversaire

Tout le monde connaît le film qui a gagné la Palme d’or du festival de Cannes en 1994 : Pulp Fiction de Quentin Tarantino. Mais un autre film américain indépendant a aussi marqué le festival cette année-là, à la Semaine de la Critique : Clerks de Kevin Smith. Le film est tourné quasi exclusivement dans une épicerie où deux employés font tout sauf servir vraiment leurs clients.Il marque aussi l’apparition du duo de Jay et Silent Bob. Le film repart de Cannes avec deux prix (en plus de celui à Sundance et de deux autres à Deauville). Son budget de moins de 30000 dollars est largement rentabilisé avec un box office de 4 millions $. La suite Clerks 2 arrive à Cannes hors-compétition en 2006.

Sept ans auparavant, Cannes sélectionne aussi en hors-compétition Dogma. Difficile de résister au cast pour une montée des marches hollywoodienne : Matt Damon, Ben Affleck, Linda Fiorentino, Salma Hayek, Chris Rock, Alan Rickman, et Alanis Morissette.

Son budget modeste de 10 millions de dollars est amorti avec un box office de 43 millions (80 millions $ environ aujourd’hui). C’est le plus gros succès de Kevin Smith.

Dogma fête son 25e anniversaire au Festival de Cannes 2025, en présence bien entendu de Kevin Smith. Peu importe si techniquement il s’agit plutôt du 26e anniversaire. La raison de ce retard est simple : il y avait un blocage des droits du film du côté de Miramax (la société d’Harvey Weinstein, aujourd’hui incarcéré pour des scandales de violences sexuelles). Il a fallu les racheter.

Pour cette célébration, une nouvelle sortie en salles a été longuement préparée : nouvelle copie du film en version 4K, un partenariat avec 1500 salles de cinéma (du circuit AMC) aux Etats-Unis, et une tournée (fin avril et début mai) de Kevin Smith dans 25 grandes villes américaines pour des projections en sa présence, avec en bonus un débat avec le public.

Cette nouvelle sortie baptisée DOGMA: Resurrected – A 25th Anniversary Celebration! est prévue pour le 5 juin aux Etats-Unis.

Que raconte ce Dogma culte? Deux anges déchus complotent pour exploiter une faille dans le dogme catholique afin de rentrer au paradis, risquant ainsi de détruire l’existence, à moins qu’une femme ne puisse les en empêcher.

En préambule, le film s’ouvre avec un avertissement qui rappelle que c’est avant tout une comédie, et que même Dieu a le sens de l’humour…

En 1999 la présidence des Etats-Unis est démocrate (Bill Clinton), mais les conservateurs ont le vent en poupe et utilisent la religion pour protester contre le droit à l’avortement. Qui sera remis en question en 2022 par la Cour suprême. Voilà pour le contexte, qui a son importance.

Apocalypse now

Au début de l’histoire on fait connaissance avec la femme qui sera l’héroïne malgré elle de cette folle aventure iconoclaste : Linda Fiorentino est une catholique qui travaille dans un centre médical pratiquant l’avortement. Pour entrer dans son lieu de travail, elle doit passer devant des manifestants qui brandissent des pancartes aux messages rétrogrades. Elle va alors recevoir la visite d’un ange qui la désigne comme étant celle qui pourrait empêcher l’Apocalypse de se produire…

Le premier tiers de Dogma présente les multiples personnages et donne l’occasion à Kevin Smith de montrer les contradictions de la religion. Ainsi soient les dogmes, critiqués par rapport aux pratiques et aux croyances adoptées de nos jours par les Américains.

Il pointe aussi le racisme avec un 13ème apôtre noir qui aurait été invisibilisé (Black lives Matter avant l’heure), et un masculinisme misogyne (patriarcat en cible) dérangé par la révélation provocatrice : Dieu est en fait une femme… « Son seul vrai grief contre les hommes c’est les conneries qui sont organisées en son nom, ça n’arrête pas, les guerres, la bigoterie, les télévangélistes. »

Un autre élément clé de Dogma est le blasphème : Jesus aurait été père et a même eu une descendance, bien avant que cela soit évoqué d’une autre manière dans le Da Vinci Code de Ron Howard en 2006 (également à Cannes).

« Et si on parlait du silence de l’Eglise concernant l’esclavage ? et de sa passivité plus que volontaire pendant l’Holocauste ? » Oops. He did it again. Costa-Gavras dénoncera ce même silence trois ans plus tard avec Amen.

Dogma est d’abord et avant tout une comédie avec plein d’allusions graveleuses au sexe et à la drogue, mais aussi pas mal de répliques qui piquent. Mais 25 ans plus tard, on peut aussi dire que c’est un film « wokiste » précurseur. Il réveillait déjà nos consciences, sous le ton de la dérision.