Arco d’Ugo Bienvenu : la science fiction pour tous, en mode Feel good movie acidulé

Arco d’Ugo Bienvenu : la science fiction pour tous, en mode Feel good movie acidulé

Arc-en-ciel en vue dans le monde de l’animation française : Arco d’Ugo Bienvenu, qui enchante petits et grands depuis sa présentation à Cannes en mai dernier, arrive enfin sur les écrans. Après avoir remporté un Cristal à Annecy, et s’être hissé dans la shortlist française pour l’Oscar du meilleur film étranger (c’est finalement Un Simple accident de Jafar Panahi qui a été retenu), le film marcherait-il sur les pas de Flow de Gints Zilbalodis ? L’enthousiasme qu’il suscite et les échos qui le précèdent peuvent le laisser penser. D’autant que s’il est plus clairement orienté vers le jeune public que ne l’était le long métrage letton, il a malgré tout de beaux arguments pour séduire un public adulte et adolescent, à commencer par son graphisme pop, sa poésie délicate, et sa dimension de Feel good movie assumé.

Sa grande originalité est en effet de proposer un récit de science fiction qui propose en parallèle la vision d’une humanité lointaine ayant résolu les enjeux posés par le dérèglement climatique (ce qui en fait un monde post-apocalyptique aux accents aussi utopiques que paradisiaques) et celle d’un futur plus proche (2075), dans lequel ces enjeux sont on ne peut plus prégnants. Cela lui permet d’afficher un réel optimisme : dans un futur lointain, la crise sera dépassée et l’humanité vivra en harmonie avec le vivant – tout en alertant sur les risques existants dans un avenir plus proche de nous, caractérisé par nos propres dérives, à peine poussées à leur paroxysme : robotisation à outrance, généralisation de la réalité augmentée, recours systématique à l’intelligence artificielle…

Aventures romanesques

Dans ce contexte, deux enfants issus de chacune des deux époques, et qui n’auraient donc jamais dû se rencontrer, apprennent à se connaître et se lient d’une amitié grandissante : Arco, l’enfant du futur tombé du ciel dans sa combinaison arc-en-ciel, est coincé dans le monde d’Iris, qui va tout faire pour essayer de l’aider. S’en suivent des mini-aventures romanesque (plutôt classiques et sans réelles surprises) qui permettent de découvrir le monde d’iris et de faire dialoguer les deux enfants, curieux d’en savoir plus sur le mode de vie de l’autre.

Ces enjeux – simples sans être simplistes – permettent à Ugo Bienvenu et Félix de Givry de déployer un récit qui repose autant sur son univers, son sens du détail et son humour que sur ses scènes d’action. Par exemple, on adore son trio d’antoganistes, plus « pieds nickelés » rêveurs que véritables méchants, ainsi que le personnage du robot Mikki, omniprésent dans l’oeuvre du cinéaste depuis 2018 (Sphere of existence), qui incarne à la fois une figure parentale rassurante et un lien concret entre le passé et le présent (on ne le révélera pas, mais le destin de Mikki donne probablement naissance au plus beau moment du film, en écho lointain aux premiers temps de l’humanité).

Antagonismes

L’esthétique, réaliste et colorée, crée par ailleurs une atmosphère propice à l’imaginaire, et à ce fameux pas de côté auquel est attaché Ugo Bienvenu. On regrette de ne pas découvrir plus longuement la cité aérienne dans laquelle vit Arco en harmonie parfaite avec le reste du vivant, mais ce que l’on voit de l’univers d’Iris exalte également la beauté et la fragilité d’une nature qui se retourne contre elle-même lors de terribles orages ou de violents incendies. Cette manifestation concrète des dangers qui pèsent sur un monde en surrégime est la seule manière dont le film se fait plus pédagogique, dénonçant en filigrane les conséquences à venir de nos comportements actuels.

On a d’ailleurs le sentiment que les adultes, qui n’en subissent pas directement les conséquences, n’ont pas réellement conscience de la nocivité de ces comportements, qu’ils ne remettent jamais en cause. Il n’est alors pas très étonnant qu’il existe un réel rapport de défiance entre les enfants et les parents, les premiers ayant le sentiment de ne pas pouvoir faire confiance aux seconds, et cela aussi bien à l’époque d’Iris – tout ce qu’elle connaît de ses parents sont des hologrammes fantomatiques dont elle a tendance à contester l’autorité, d’autant qu’eux-mêmes ne la prennent pas suffisamment au sérieux – qu’à celle d’Arco, où les parents du jeune garçon le laissent également en arrière pour partir dans leurs expéditions.

Conséquences et transmission

Mais finalement, plutôt que de ne reposer que sur la confrontation (entre deux mondes, deux générations, deux visions de l’existence), le film joue au contraire la carte du trait d’union. Arco fait ainsi le lien entre son époque et celle d’Iris, tandis que Mikki relie le présent de 2070 aux autres périodes. De la même manière, c’est in fine le lien humain qui l’emporte sur tout le reste, quelles qu’en soient les conséquences. Car conséquences il y a, et c’est sans doute le message le plus évident mais aussi le plus troublant du film : il est impossible de revenir en arrière, ou d’effacer nos actions. Tout choix de notre part, comme celui fait par Arco tout au début du film, aura donc nécessairement des conséquences pour nous comme pour notre entourage.

Toutefois, puisque l’on est dans un conte, si la « bêtise » initiale d’Arco a un prix, elle permet aussi une transmission inédite entre sa civilisation et celle d’Iris, ouvrant la voie à une prise de conscience d’abord individuelle, puis – on le devine – plus collective, grâce à l’action de la petite fille devenue étudiante. De cette manière, Arco synthétise habilement deux désirs : alerter sur notre situation actuelle sans porter un discours uniquement pessimiste, ce qui est tout à son honneur. Seul bémol, peut-être, faire une nouvelle fois porter la responsabilité du changement sur les jeunes générations, en dédouanant de fait les autres – mais sans doute faut-il bien commencer quelque part.

Fiche technique
Arco d'Ugo Bienvenu (2025)
Cannes 2025 - Séance spéciale
Avec les voix de Swann Arlaud, Alma Jodorowsky, Vincent Macaigne, Louis Garrel, William Lebghil, Oxmo Puccino… 1h22.
Scénario : Ugo Bienvenu et Felix de Givry
Production : Remembers, MountainA
Distribution : Diaphana distribution
Sortie française : 22 octobre 2025