Transmitzvah de Daniel Burman : personnages en quête d’identité

Transmitzvah de Daniel Burman : personnages en quête d’identité

Haut en couleur, le film de Daniel Burman nous fait entrer dans un monde onirique au travers du regard de Mumy, star trans retournant dans son Argentine natale après une longue absence. Telle une chorégraphie hypnotisante, la narration joue avec le genre du voyage initiatique pour évoquer l’identité mouvante et multiple des personnages. 

Une aventure mystique mêlant religion et culture pop

Ce voyage initiatique est avant tout un voyage intérieur et c’est par le dialogue avec la religion que Mumy apprend à se connaître vraiment. On retrouve également, en filigrane, les motifs classiques de la quête identitaire : retour aux racines, réconciliation, apprentissage. Pour autant, la progression audacieuse du récit défie toutes nos attentes. Les personnages et leurs motivations sont volatiles, insaisissables et empreint d’une joie enivrante. Cette euphorie grisante tient peut-être à la prestance des acteurs et particulièrement à l’énergie de Penelope Guerrero qui, on le voit, prend plaisir à incarner un personnage qui lui ressemble. Sa métamorphose, de l’enfance à l’âge adulte, s’opère grâce au montage qui – empruntant les stéréotypes des magazines people – nous bombarde d’images et de paillettes. On découvre alors la chanteuse, icône du yiddish, ultra féminine et charismatique, ancrée dans les codes de la pop. Cette identité appuyée n’exprime pourtant pas encore la complexité du personnage de Mumy. Il faudra tout le temps du film pour que son frère, Eduardo, et elle, finissent par atteindre une paix intérieure, symbolisée par une danse au milieu de la nature animée par la voix retrouvée de Mumy. 

Un vent de liberté

Transmitzvah annonce avec son titre la portée subversive de son propos. Daniel Burman joue avec les symboles de la religion pour en faire des objets pop. Parfois obscures et volontairement complexes, les références à la kabbale sont amenées avec un ton qui mêle humour et hommage. Les rencontres incongrues que font le frère et la soeur au cours de leur aventure mystique tendent vers le merveilleux sans pour autant se détacher du réel. Le réalisateur parvient à nous faire accepter ce décalage en s’appuyant sur ses acteurs et sur une mise en scène qui bouscule d’emblée toutes nos conceptions. De cette manière, on accompagne Mumy et son frère jusqu’à Tolède et on admet sans sourciller les péripéties qui les amènent à animer un mariage raté ou encore à retrouver un ermite vieux de 3000 ans sur une colline. Entre accents dramatiques, comédie musicale et chronique familiale, le film peut sembler hermétique mais on se laisse vite happer par le dynamisme joyeux des personnages qui nous accueillent avec bienveillance dans leur univers.

Loin de tout stéréotype, Transmitzvah se démarque donc par sa liberté de ton. Cette quête d’identité fantasque portée à l’écran par une actrice trans qui joue sans état d’âme avec son image permet de créer un nouvel imaginaire pop. Aussi, cet heureux mélange donne au film une profondeur symbolique évoquant le pouvoir poétique d’une époque qui n’hésite pas à métisser tous les genres. 

Alice Dollon

Fiche technique
Transmitzvah de Daniel Burman (2024)
Argentine
100 min
Sortie française : 14 mai 2025
Distribution : Outplay Films