Cannes 2025 | The History of Sound :  mélodie d’un bonheur et mélo sans pleurs

Cannes 2025 | The History of Sound : mélodie d’un bonheur et mélo sans pleurs

Lionel, jeune chanteur talentueux originaire du Kentucky, grandit au son des chansons que son père chantait sur le perron de leur maison. En 1917, il quitte la ferme familiale pour intégrer le Conservatoire de Boston, où il fait la rencontre de David, un étudiant en composition aussi brillant que séduisant, mais leur lien naissant est brutalement interrompu lorsque David est mobilisé à la fin de la guerre. En 1920, réunis le temps d’un hiver, Lionel et David sillonnent les forêts et les îles du Maine pour collecter et préserver les chants folkloriques menacés d’oubli. Cette parenthèse marquera à jamais Lionel.

N’est pas Ang Lee qui veut. On suggère à Oliver Hermanus de revoir Brokeback Mountain pour constater à quel point son film The History of Sound ne produit jamais la même magie autour d’un récit très similaire. Soporifique, ce mélo, jamais larmoyant, est dénué de la sensibilité nécessaire pour nous toucher au moins le cœur.

Pourtant, tous les ingrédients y sont : deux magnifiques acteurs en parfaite harmonie – Paul Mescal, en génie du chant réservé à la très belle chute de reins, et Josh O’Connor, en prodige musical tourmenté au sourire ravageur -, une direction artistique soignée, une histoire sentimentale contrariée.

Du Kentucky au Maine, de Boston à Rome, de Cambridge aux évocations des tranchées, The History of Sound nous fait voyager. Et on a plutôt la sensation de s’être fait balader. Comble d’un film sur la musique, la seule note juste et touchante surgit à la fin dans un épilogue situé en 1980, quand la voix d’un fantôme traverse le temps. Le souvenir ancien d’une période heureuse.

Blues dépressif

Le cinéaste, présomptueux, a imaginé une épopée d’un autre temps. Pas seulement parce qu’il s’agit d’une époque lointaine, mais bien parce que sa mise en scène a tous les apparats d’un vieux drame hollywoodien sage et pompeux. Aucune audace, aucun formalisme novateur, rien de provocateur n’émaillent de ce récit lisse qui suit son cours comme une rivière dans la plaine, à quelques méandres près.

Cet académisme presque rance tue toute velléité de proposer un drame au regard contemporain sur une relation homosexuelle masculine à la fin des années 1910. C’est si chaste… A-t-on ressorti le code Hays? Passons sur l’aspect charnel, puisque les sentiments ne sont pas mieux traités. Avec des êtres aussi pudiques, quand ils ne sont pas mutiques, il n’y a pas grand chose à écouter.

Tout pour la musique

Hormis de la musique. Durant la première moitié du film, et même si on comprend que cela fait partie de leur odyssée, le spectateur doit se muer en auditeur. patient (la multitude de chants fige le rythme du film, un comble). Comme son titre l’indique, le drame se veut ethnomusicologique. Entre folk et blues, les chansons se multiplient pour nous faire découvrir les racines musicales de l’Amérique. C’est là que réside peut-être l’intérêt réel du film.

Car ses chansons, comme ses deux personnages principaux, véhiculent une tristesse palpable et saisissante. Encore faut-il leur donner un peu de rythme, de cadre, de lumière. Ou en faire un documentaire musical, sans l’habiller d’une romance entre deux mecs ravis de faire du camping ensemble.

Mais, contrairement à une virée improvisée à la campagne, le scénario ne cherche jamais à sortir de ses sentiers battus. Il suit la vie et l’œuvre d’un homme hanté par le grand amour de sa vie (dont il n’a plus de nouvelles). Piégés par cette existence peu captivante, on a vite capté l’issue de cette histoire : avec ses gros sabots, on insiste bien, dès la rencontre entre les deux hommes, sur la signification de l’une des chansons dont les paroles nous seront répétées deux heures plus tard (de peur qu’on n’ait oublié ou pas compris).

Message personnel

Un mélodrame sans intensité, un récit historique sans fluidité (on saute les époques, on passe d’un pays à l’autre), un style trop honnête : la partition de The History of Sound endort par sa fadeur. La vie de Lionel, et son amour pour David, semble défiler comme un best-of des moments les plus marquants de son existence banale. Une compilation de scènes dont les révélations finales ne font même plus semblant de nous réveiller.

« J’ai perdu mon seul amour ». Une telle déclaration devrait être une déflagration. Hélas, Oliver Hermanus n’en fait rien. Jamais son film ne cherche à saisir au vol cette alchimie si puissante qui réunit deux personnes à la vie, à la mort. Il préfère croire que son sujet l’emportera sur son style. S’il en a un (le doute est permis à la vue du flash-back final qui démontre le formatage de son film). Car, outre notre déception à la hauteur de notre attente, outre notre énervement digne d’un spectateur trompé, c’est avant tout le sentiment de gâchis qui nous emporte, alors qu’il avait de l’or entre les mains. Cette belle histoire ne méritait pas tant de conformisme.

The History of Sound
Cannes 2025. Compétition.
2h27
En salles : 14 janvier 2026
Réalisation : Oliver Hermanus
Scénario : Oliver Hermanus et Ben Shattuck
Image : Alexander Dynan
Distribution : Universal Pictures
Avec Paul Mescal, Josh O'Connor, Molly Price, Raphael Sbarge, Chris Cooper,
Peter Mark Kendall, Hadley Robinson, Emma Banning...